Le procureur général des États-Unis par intérim Matthew Whitaker, déjà critiqué pour ses propos sur la délicate enquête russe, voit désormais son autorité contestée devant un juge fédéral, saisi mardi par l'État du Maryland.

La légalité de sa nomination est contestée sur la base de Article II de la Constitution des États-Unis, qui impose aux membres du gouvernement d'avoir reçu le feu vert du Sénat.

La Maison-Blanche a considéré que ce n'était pas nécessaire puisque Matthew Whitaker, un avocat républicain de 49 ans, a été nommé à titre temporaire après la démission forcée la semaine dernière de Jeff Sessions, dont il était jusque là le directeur de cabinet.  

Pour le Maryland, l'intérim devrait être assuré par le numéro deux du département Rod Rosenstein qui, lui, a reçu l'aval du Sénat avant de prendre ses fonctions. «La nomination de Whitaker est illégale», Rod Rosenstein est «le bon successeur» de Jeff Sessions, selon une copie de son recours.  

Cette action s'inscrit dans une procédure ancienne intentée par cet État proche de Washington contre le gouvernement fédéral et portant sur l'assurance maladie. Le Maryland veut désormais que le juge interdise à Matthew Whitaker de répondre au nom du département de la Justice.

«On ne peut pas valider la tentative éhontée du président Trump de flouer la loi et la Constitution en écartant le numéro deux Rod Rosenstein en faveur d'un employé partisan et non qualifié», a ajouté dans un communiqué le procureur de cet État, Brian Frosh.  

Ce recours pourrait préfigurer d'autres actions du même type et jeter une ombre sur de nombreux dossiers judiciaires impliquant le département.

«Beaucoup de personnes pourraient mettre en cause (l'autorité de Matthew Whitaker), notamment des gens poursuivis pour des crimes par le gouvernement», a souligné le professeur Andrew Kent de l'université Fordham.

L'avenir de la sensible enquête russe, qui porte sur des soupçons de collusion entre Moscou et l'équipe de campagne de Donald Trump pendant la présidentielle de 2016, se joue peut-être aussi derrière cette bataille juridique.

Jeff Sessions s'était récusé il y a un an et demi dans ce dossier, et avait délégué la supervision de l'enquête à Rod Rosenstein. Celui-ci avait nommé le procureur spécial Robert Mueller et l'avait laissé libre d'agir à sa guise, au grand dam du président Trump qui ne cesse de dénoncer une injuste «chasse aux sorcières».

Le limogeage de Jeff Sessions et la nomination de Matthew Whitaker qui, dans le passé, avait repris la thèse du président à son compte, ont été dénoncés par l'opposition démocrate comme une tentative de reprendre le contrôle sur le procureur Mueller.