La Floride a ordonné un recomptage des voix dans les élections pour le poste de gouverneur de l'État et pour un poste de sénateur à Washington, au milieu d'accusations réciproques de fraude des candidats.

Dix-huit ans après un recomptage resté célèbre dans l'élection présidentielle de 2000, la Floride se trouve ainsi une nouvelle fois plongée dans l'incertitude électorale.

Le recomptage a été ordonné par le secrétaire d'État de Floride, Ken Detzner, en application des textes en vigueur. Les 67 comtés floridiens avaient jusqu'à 12 h heure locale (12 h HE) pour fournir leurs totaux. Les résultats doivent être connus le 15 novembre.

Pour l'élection du gouverneur, les derniers résultats non officiels publiés samedi montraient que le républicain Ron DeSantis, appuyé par le président Donald Trump, devançait le candidat démocrate Andrew Gillum, l'un des nouveaux visages de l'opposition, de seulement 33 684 voix sur plus de 8,2 millions bulletins, soit de 0,41 %.

La course entre le sénateur démocrate Bill Nelson et son rival républicain Rick Scott, l'actuel gouverneur de Floride, était encore plus serrée : l'avance de M. Scott était de 12 562 votes, soit une marge de 0,15 point de pourcentage (50,07 % contre 49,92 %).

Le climat est très tendu depuis mardi soir en Floride, État habitué aux dépouillements à rallonge et aux controverses.

Après l'annonce d'un recomptage, Andrew Gillum est revenu sur son discours de mardi, dans lequel il reconnaissait sa défaite, pour appeler « sans complexe et sans concession » à « recompter tous les bulletins ».

Donald Trump a fait état d'un risque de manipulation électorale. « Ils essayent de VOLER deux scrutins en Floride  ! » a gazouillé le président depuis la France, où il participait aux commémorations de l'armistice du 11 novembre 1918. « Nous suivons ça de près  ! »

Souvenirs de 2000

Depuis mardi, Donald Trump a plusieurs fois sous-entendu que certains responsables locaux de Floride cherchaient à truquer les résultats en faveur des démocrates, parlant de « honte pour notre pays et pour la démocratie ».

Il a principalement accusé les comtés de Broward et Palm Beach, dont les électeurs ont placé largement en tête Hillary Clinton lors de l'élection présidentielle de 2016.

La responsable des élections dans le comté de Broward, Brenda Snipes, a admis vendredi avoir mélangé involontairement quelques dizaines de bulletins nuls avec des votes conformes lors du dépouillement.

La campagne de Rick Scott a assigné en justice Brenda Snipes et son homologue du comté de Palm Beach pour infraction au code électoral.

Samedi, Rick Scott a appelé les shérifs de Floride à « veiller à toute violation dans le processus de recomptage, comme cela reste prévu par la loi de Floride ».

Son concurrent, le sénateur démocrate sortant Bill Nelson, accuse M. Scott d'avoir essayé d'empêcher des électeurs de voter. Il a déposé lui aussi une plainte en justice pour bloquer toute mesure qui rejetterait des votes par correspondance, qui se comptent par milliers.

L'autre sénateur de Floride, Marco Rubio, dont le siège n'était pas en jeu lors du scrutin, a remis de l'huile sur le feu en relayant la vidéo d'un conspirationniste notoire traitant de bulletins qui seraient déplacés clandestinement.

De manière générale, ce n'est pas tant le faible écart observé dans les deux scrutins que les dysfonctionnements constatés durant le comptage initial qui interpellent.

Pour plusieurs spécialistes, le nombre important de votes par correspondance aurait contribué à engorger la machine électorale lors de ce scrutin.

En outre, selon le Miami Herald, plus de 25 000 électeurs n'ont pas rempli la partie du bulletin consacrée à la désignation d'un nouveau sénateur, nourrissant la suspicion d'un raté, hypothèse réfutée par Brenda Snipes.

Il y a près de 20 ans, le « Sunshine State » (l'État ensoleillé, son surnom) avait déjà fait parler de lui lors de l'imbroglio historique de la présidentielle américaine de 2000.

La Floride avait alors occupé les médias du monde entier lorsque quelques votes seulement séparaient le républicain George W. Bush du démocrate Al Gore.  

Les images frappantes de responsables scrutant, parfois à la loupe, un par un, des bulletins perforés au poinçon ont marqué les mémoires.  

Le processus avait finalement été arrêté par la Cour suprême des États-Unis. Le républicain avait battu le démocrate en Floride par 537 voix et remporté la présidentielle.

La Floride n'est pas le seul État américain a être encore en proie à l'incertitude électorale.

Dans la Géorgie voisine, la candidate démocrate au poste de gouverneur, Stacey Abrams, s'accroche dans l'attente du dépouillement des derniers bulletins, face à son rival républicain Brian Kemp, qui compte environ 60 000 voix d'avance.  

En Arizona, c'est un poste de sénateur qui est dans la balance, la démocrate Kyrsten Sinema comptant 18 000 voix environ d'avance sur sa rivale républicaine Martha McSally, mais plusieurs dizaines de milliers de bulletins restaient à dépouiller samedi.

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Le candidat démocrate au poste de gouverneur Andrew Gillum et son adversaire républicain Ron DeSantis

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Le sénateur démocrate Bill Nelson et l'actuel gouverneur de la Floride Rick Scott