Une Américaine qui a divulgué un rapport top secret sur les piratages russes lors de la présidentielle 2016 a été condamnée jeudi à cinq ans et trois mois de prison, une peine à la sévérité inédite pour une telle fuite.

Reality Winner, 26 ans, ex-salariée d'une société sous-traitante de l'Agence nationale de la sécurité (NSA), est la première personne condamnée selon la loi Espionage Act depuis l'arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche.

Cette Texane un peu idéaliste, très critique de Donald Trump, a marché dans les pas d'Edward Snowden et de Chelsea Manning, que leurs soutiens présentent comme des «lanceurs d'alerte» ayant révélé des informations utiles au public et que leurs détracteurs dénoncent comme des traîtres.

Elle avait imprimé sur son lieu de travail un document confidentiel, puis l'avait envoyé au site d'information The Intercept. Ce rapport détaillait comment des pirates informatiques du renseignement militaire russe avaient tenté à plusieurs reprises de s'introduire dans les systèmes électoraux américains.

L'affaire Reality Winner a éclaté l'an dernier dans un contexte d'une soi-disant «culture de la fuite» vivement dénoncée par la Maison-Blanche.

Fuites et «trahison»

Donald Trump s'escrime à endiguer les fuites d'informations confidentielles qui donnent une image de désordre à sa présidence, des actes qu'il assimile à des «trahisons».

Arrêtée et écrouée en juin 2017, Mme Winner a passé un accord de négociation de peine un an plus tard avec les procureurs, qui ont insisté jeudi sur la gravité de ses agissements. Un juge d'Augusta, en Géorgie, a prononcé le verdict.

Après être sortie diplômée de son école de Kingsville, au Texas, où elle excellait en athlétisme et en tennis, Reality Winner avait choisi la carrière militaire.

Engagée dans l'US Air Force, elle avait été formée au pachtou, au dari et au farsi, des langues parlées en Afghanistan, au Pakistan et en Iran.

Après six années sous les drapeaux, elle avait été embauchée en février 2017 chez Pluribus International Corporation, une société travaillant pour la NSA.

Elle a écopé de la plus lourde peine jamais imposée aux États-Unis pour avoir transmis aux médias une information classée secret défense.

Chelsea Manning, qui a fourni à WikiLeaks des milliers de documents secrets, avait, elle, été condamnée en août 2013 à 35 ans de réclusion, mais pour de multiples chefs d'accusation. Elle est désormais libre, Barack Obama ayant commué sa sentence trois jours avant de quitter la Maison-Blanche.

Les avocats de Reality Winner, avant l'annonce de sa sentence, ont insisté sur l'absence d'«accusations ou de preuves d'espionnage ou de trahison» la concernant.

Ses faits n'ont rien à voir avec le «déversement massif d'informations sensibles du type WikiLeaks ni avec la divulgation de secrets militaires», ont-ils plaidé.

Soutien d'Assange

Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, avait salué le «courage employé à nous informer» de Reality Winner.

Snowden, Manning et Winner ont en commun d'avoir ébranlé le monde du renseignement alors qu'ils étaient âgés de moins de 30 ans.

Ceci illustre le fait que les couloirs des agences d'espionnage américaines et leurs sous-traitants fourmillent de post-étudiants doués en informatique, cryptage ou langues étrangères et qui, malgré leur courte expérience, se retrouvent à manipuler des données hautement sensibles.