Un agent du FBI et un ancien associé en Ukraine sont attendus mercredi à la barre pour le deuxième jour du procès de Paul Manafort, l'ex-chef de campagne de Donald Trump, accusé par les enquêteurs chargés du sulfureux dossier russe d'avoir blanchi des millions de dollars gagnés en Ukraine.

À 69 ans, l'ancien lobbyiste aux costumes impeccables et mèche savamment domptée s'est longtemps cru «au-dessus des lois», a asséné la veille l'accusation, lors de la première journée du procès à Alexandria, près de Washington.

Il dépensait des sommes exorbitantes pour mener un «train de vie extravagant», ponctué d'achat de montres de luxe et même d'une veste «faite en autruche» à 15 000 $.

Si les folles dépenses ne sont pas illégales, c'est la source de leur financement qui est en jeu lors de ce procès pour blanchiment d'argent, fraudes fiscale et bancaire: des millions de dollars tirés de ses activités de lobbyiste pour l'ex-président ukrainien Viktor Ianoukovitch, soutenu par Moscou, qu'il n'a pas déclaré au fisc.

Le candidat puis dirigeant ukrainien représentait une véritable «poule aux oeufs d'or» pour l'équipe Manafort, selon les procureurs, avec quelque 60 millions de dollars de revenus entre 2010 et 2014.

«Les chefs [d'accusation] se résument à une chose simple: Paul Manafort a menti», a lancé le procureur adjoint Uzo Asonye.

Paul Manafort rejette toutes ces accusations.

Sans rougir de ces richesses, les revendiquant au nom de son dur travail aux quatre coins du monde, la défense a décrit un professionnel reconnu «très occupé», déléguant la gestion des affaires quotidiennes à son associé, Richard Gates, un témoin à charge clé à venir dans ce procès, qui aurait «profité de sa confiance».

La Russie, absente

Des membres de l'équipe du procureur spécial, Robert Mueller, ont assisté à l'ouverture des débats mardi dans la salle d'audience. Les faits reprochés à Paul Manafort ont en effet été découverts lors de l'enquête explosive que M. Mueller mène sur les soupçons d'ingérence russe dans la présidentielle américaine de novembre 2016.

Mais la question cruciale d'une possible collusion entre des membres de la campagne Trump et Moscou ne devrait pas être abordée pendant ce procès. Il porte en effet sur des faits antérieurs au passage de Paul Manafort à la tête de l'équipe Trump, entre mai et août 2016.

Ni le nom de Donald Trump ni le mot «Russie» n'ont d'ailleurs été prononcés mardi.

Certains espèrent pourtant que Paul Manafort finira par révéler des informations importantes pour le dossier. Il était notamment présent lors d'une réunion entre une avocate russe, le fils du président, Donald Trump Jr. et son gendre, Jared Kushner, en juin 2016, qui intéresse de près les enquêteurs.

Après un premier associé entendu mardi, Tad Devine - qui a salué le professionnalisme de Paul Manafort tout en affirmant que c'est bien ce dernier qui menait la barque, Rick Gates ne servant que d'exécutant - l'accusation appellera mercredi à la barre un autre collaborateur, Daniel Rabin, ayant travaillé sur des campagnes électorales pro-Ianoukovicth en Ukraine.

Un agent du FBI doit aussi venir témoigner.

«Aucune information» contre Trump

Costume impeccable, prenant des notes et laissant même échapper un sourire aux plaisanteries du juge T.S. Ellis III, Paul Manafort a semblé à l'aise mardi dans la salle d'audience, participant très activement aux choix des jurés, ses avocats le consultant régulièrement. Mais les tempes blanchies et ses traits creusés révèlent le revirement radical de fortune de l'ex-prestigieux conseiller, incarcéré depuis juin.

Douze jurés - six femmes et six hommes - suivront le procès qui durera trois semaines. Un rendez-vous juridique ultra-médiatique au coeur de l'été qui embarrasse la Maison-Blanche, alors que Donald Trump ne cesse de tempêter qu'il n'y a jamais eu collusion, qualifiant l'enquête Mueller de «chasse aux sorcières».

Paul Manafort «n'a aucune information incriminant le président», avait martelé lundi l'avocat de Donald Trump, Rudy Giuliani, sur CNN. Depuis c'est le silence.

Les procureurs devraient appeler à la barre plus de trente témoins, dont Richard Gates qui coopère avec Robert Mueller depuis qu'il a accepté de plaider coupable en février.

Parmi la trentaine d'individus déjà visés par le procureur spécial, dont une majorité de Russes, Paul Manafort est le seul Américain à avoir refusé de passer un accord avec la justice pour éviter un procès. Avec peut-être en tête l'espoir d'une grâce présidentielle en échange de sa loyauté.

Risquant déjà de passer le restant de ses jours en prison, Paul Manafort doit faire face à un second procès en septembre, à Washington, toujours dans le cadre de l'enquête Mueller qui l'accuse cette fois, notamment, de blanchiment d'argent et de ne pas avoir déclaré ses services de lobbyiste en faveur d'un gouvernement étranger.