Cinq accusations de meurtre au premier degré ont été déposées contre Jarrod W. Ramos, l'homme qui est soupçonné d'avoir tué cinq personnes jeudi dans les bureaux du journal The Capital Gazette, à Annapolis, au Maryland.

M. Ramos a comparu devant la justice américaine vendredi matin. Il a été renvoyé en détention sans possibilité de libération sous caution.

Cette attaque, qui a aussi fait deux blessés, semble être l'une des plus meurtrières contre des journalistes dans l'histoire des États-Unis, ont affirmé la police et des témoins.

Le suspect aurait aussi utilisé des grenades lacrymogènes et les autorités ont affirmé avoir trouvé ce qui serait un engin explosif dans l'édifice abritant le journal. Il aurait apparemment verrouillé la sortie pour empêcher les victimes de s'enfuir.

Des menaces avaient été lancées contre le journal sur les réseaux sociaux avant la fusillade, a indiqué la police.

Il semblerait aussi qu'une querelle de longue date opposait M. Ramos au journal. Le suspect a poursuivi la publication sans succès en 2012, en lui reprochant d'avoir porté atteinte à sa réputation lors d'un reportage sur une affaire de harcèlement criminel le concernant. Il aurait ensuite entrepris de harceler plusieurs employés sur Twitter. Dans un message, M. Ramos écrit qu'il «serait bien que le journal cesse d'être publié«, puis ajoute que «ce serait encore mieux» que deux journalistes «cessent de respirer».

Les cinq victimes sont les journalistes Robert Hiaasen (le frère de l'écrivain Carl Hiaasen), Gerald Fischman, John McNamara et Wendi Winters, en plus d'une employée de bureau, Rebecca Smith.

Le lieutenant Ryan Frashure, porte-parole de la police du comté, a affirmé que les policiers sont arrivés très rapidement sur les lieux et qu'ils ont interpellé le tireur sans échange de coups de feu.

Un journaliste du Capital Gazette a écrit sur Twitter qu'un seul individu avait ouvert le feu sur plusieurs personnes. Phil Davis, qui couvre les affaires criminelles et la justice pour le journal, a écrit que l'individu avait tiré sur une porte de verre et qu'il avait ouvert le feu sur plusieurs employés.

Il a ajouté: «Il n'y a rien de plus terrifiant qu'entendre plusieurs personnes être touchées par balle pendant que vous êtes sous votre bureau et que vous entendez le tireur recharger.»

The Capital Gazette et d'autres journaux, dont la Maryland Gazette, appartiennent au Baltimore Sun Media Group.

Sur Twitter, le président Donald Trump a écrit qu'il avait été mis au fait de la situation avant de s'envoler du Wisconsin, où il prenait part à l'inauguration d'une usine du géant Foxconn.

«Mes pensées et mes prières vont aux victimes et à leurs familles. Merci à tous les premiers répondants qui sont actuellement sur les lieux», a dit le président.

Cette tradégie survient après des mois d'attaques contre les médias, en ligne et ailleurs, de la part de ceux qui leur reprochent de faire des «fausses nouvelles», en commençant par le président Trump.

Le journal publie une édition en hommage aux victimes

«Nous n'avons pas les mots»: malgré le deuil, le Capital Gazette a tenu à publier son édition de vendredi pour rendre hommage à ses journalistes tués.

Les rescapés de la fusillade d'Annapolis ont fait avec les moyens du bord jeudi soir pour boucler leur édition de vendredi. Leur une est simple, factuelle et glaçante, sans adjectif. «Cinq personnes abattues au Capital», est-elle titrée.

À l'arrière de camionnettes, dans un stationnement situé à quelques centaines de mètres de leur salle de rédaction bouclée par la police, ils ont recréé des bureaux de fortune pour raconter la tragédie dont ils ont été les victimes.

«Je ne sais pas quoi faire d'autre à part ça», a expliqué un journaliste, Chase Cook, jeudi. «On va sortir un journal demain», avait-il dit à l'AFP.

«Je ne peux pas dormir, dont la seule chose que je puisse faire c'est rendre compte des faits», a écrit sur Twitter pendant la nuit Phil Davis.

«Demain, cette page reviendra à son but originel, qui est de proposer à nos lecteurs des opinions informées», est-il précisé.

«Proche de notre communauté»

Au-delà du monde du journalisme, c'est toute la ville d'Annapolis, paisible bourgade historique à une heure de Washington, qui est endeuillée.

«Le Capital Gazette est le journal d'Annapolis (...) J'avais bien sûr rencontré les cinq victimes, et tous les autres journalistes», a déclaré sur Fox News vendredi matin le chef de police du comté d'Anne Arundel, Timothy Altomare.

De retour à Washington jeudi après-midi, le président Trump, qui critique régulièrement et violemment les journalistes, n'a eu aucun mot pour les victimes lorsqu'il a été interrogé par la presse sur la pelouse de la Maison-Blanche.

«Les journalistes racontent les histoires de nos communautés, protègent notre démocratie et mettent souvent leur vie en danger dans l'exercice de leurs fonctions. L'attaque d'aujourd'hui à Annapolis est bouleversante», a pour sa part réagi le premier ministre Justin Trudeau.

Le Capital, qui fait partie du groupe Capital Gazette, est un petit journal fondé en 1727. Il employait six reporters, deux photographes et 5 secrétaires de rédaction. Ses locaux sont protégés par une porte fermée en permanence, a expliqué à l'AFP un de ses journalistes.

Les alentours du journal, situé dans une en pleine zone commerciale derrière une banque, étaient toujours bloqués par la police vendredi matin.

Des habitants d'Annapolis sont venus offrir leur respect aux victimes pendant la nuit, en déposant des bouquets de fleurs. Le journal fait partie du quotidien des habitants de la ville qui connaissaient bien souvent personnellement ses reporters.

«La Gazette est proche de notre communauté», a expliqué à l'AFP Kelly O'Brian.

-Avec Agence France-Presse

Photo Patrick Semansky, Associated Press

Les rescapés de la fusillade d'Annapolis ont fait avec les moyens du bord jeudi soir pour boucler leur édition de vendredi. Leur une est simple, factuelle et glaçante, sans adjectif. «Cinq personnes abattues au Capital», est-elle titrée.