Le président des États-Unis Donald Trump a annoncé vendredi un sérieux tour de vis en matière d'immigration et d'accueil de réfugiés, visant certains pays musulmans afin de stopper l'entrée éventuelle sur le territoire américain de «terroristes islamiques radicaux».

Une semaine tout juste après s'être installé à la Maison-Blanche, M. Trump a déclaré qu'il avait pris un décret intitulé «protéger la nation contre l'entrée de terroristes étrangers aux États-Unis», un texte que la présidence américaine a fini par publier vendredi soir.

Lors d'une cérémonie en grande pompe au Pentagone, en l'honneur de son nouveau secrétaire à la Défense James Mattis, le président américain a annoncé qu'il mettait «sur pied de nouvelles mesures de contrôle pour maintenir hors des États-Unis les terroristes islamiques radicaux».

«Nous ne les voulons pas ici», s'est exclamé le 45e président américain devant des hiérarques militaires réunis au ministère de la Défense, à quelques encablures de Washington.

«Nous voulons être sûrs que nous ne laissons pas entrer dans notre pays les mêmes menaces que celles que nos soldats combattent à l'étranger (...) Nous n'oublierons jamais les leçons du 11-Septembre» 2001, a proclamé M. Trump, en allusion aux attentats perpétrés par le groupe Al-Qaïda et qui ont traumatisé l'Amérique.

«C'est du lourd»

«C'est du lourd», a lancé le président.

D'après le décret et ses annexes diffusés par la Maison-Blanche, les autorités américaines vont interdire pendant trois mois l'arrivée de ressortissants de sept pays musulmans: Irak, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen. À l'exception de ces ressortissants détenteurs de visas diplomatiques et officiels et qui travaillent pour des institutions internationales.

Washington va arrêter aussi pendant quatre mois le programme fédéral d'admission et de réinstallation de réfugiés de pays en guerre, toutes nationalités confondues. Un programme humanitaire ambitieux créé en 1980 et qui n'a été suspendu qu'une seule fois: durant trois mois après le 11-Septembre.

Quant aux réfugiés syriens, qui ont fui par millions le conflit dans leur pays, mais dont seulement 18 000 ont été acceptés aux États-Unis depuis 2011, ils seront définitivement interdits d'entrer, jusqu'à nouvel ordre.

Pour l'année budgétaire 2016 (du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2016), les États-Unis, à l'époque gouvernés par Barack Obama, avaient admis sur leur territoire 84 994 réfugiés du monde entier, parmi lesquels un peu plus de 10 000 Syriens. L'administration Obama s'était donnée pour objectif d'accepter 110 000 réfugiés pour l'année budgétaire 2017.

L'administration Trump vise dorénavant «pas plus de 50 000» réfugiés cette année.

Le président républicain a été élu le 8 novembre dernier sur des slogans de campagne nationalistes, isolationnistes et de lutte contre le «terrorisme islamique radical».

Et deux jours avant qu'il ne signe officiellement son décret, le nouvel occupant de la Maison-Blanche avait commenté et défendu son texte à la télévision. Interrogé par la chaîne ABC sur la réaction qu'il risquait de provoquer chez les musulmans, il avait rétorqué qu'il fallait agir dans «un monde en colère» devenu «un foutoir complet».

«Ce n'est pas une interdiction contre les musulmans, mais cela concerne des pays qui ont beaucoup de terrorisme», avait martelé le milliardaire populiste.

Malala a «le coeur brisé»

Mais il s'est attiré les foudres des défenseurs des droits de l'homme et des libertés.

La jeune Pakistanaise Malala Yousafzai, lauréate 2014 du prix Nobel de la paix, a déclaré vendredi avoir «le coeur brisé de voir l'Amérique tourner le dos à son fier passé d'accueil de réfugiés et de migrants».

Aux États-Unis, l'ACLU, la plus grande association de défense des droits civiques, a tonné contre ces mesures de «contrôle extrême» qui «ne sont que de la discrimination contre les musulmans». Aux yeux de son directeur Anthony Romero, le président Trump violerait même la Constitution américaine qui interdit toute forme de discrimination religieuse.

La première association d'Américains musulmans (moins de 1% de la population), Cair, a également dénoncé un «ciblage des gens sur leurs croyances et leurs origines» et a promis qu'elle se battrait en justice contre le décret présidentiel.

Du côté du gouvernement, le département d'État en pleine transition depuis le départ du démocrate John Kerry qui n'a pas encore été remplacé, s'est engagé à «travailler étroitement avec le département de la Sécurité intérieure pour appliquer immédiatement» le décret de Donald Trump.

Trump amplifie la campagne contre l'EI

Le président Donald Trump s'est rendu vendredi au Pentagone pour une première prise de contact avec ses chefs militaires, dont il attend notamment des propositions pour accélérer la campagne contre le groupe Etat islamique.

Le président américain s'est réuni environ une heure avec les principaux chefs militaires américains dans le «Tank», la salle de réunion sécurisée du Pentagone où les responsables de la plus puissante armée du monde prennent leurs décisions.

Parmi les sujets abordés, «il y a eu une discussion sur comment accélérer le combat contre le groupe État islamique», a indiqué un haut responsable américain de la Défense, sans donner de détails.

Pendant sa campagne, Donald Trump ne s'était pas privé de brocarder les généraux américains et la lenteur des progrès obtenus en Irak et en Syrie contre le groupe jihadiste Etat islamique.

Il avait assuré qu'une fois élu, il donnerait «30 jours» à ses généraux pour préparer «un plan pour vaincre le groupe État islamique».

Ces dernières semaines, les responsables militaires américains se sont mobilisés pour préparer des options au nouveau président, exhumant des propositions refusées par l'administration Obama.

Barack Obama avait choisi une stratégie consistant à ne pas impliquer directement les troupes américaines dans les combats contre les jihadistes, mais à s'appuyer sur des forces locales, formées, conseillées et appuyées par l'appareil militaire américain.

Il s'agit d'une stratégie «de long terme», et le président Trump pourrait choisir d'utiliser «d'autres outils» pour obtenir «des résultats plus rapides», a résumé vendredi l'ancien général David Barno, sur la radio publique NPR.

Il peut «certainement choisir de montrer plus de force, il pourrait choisir de mettre plus de troupes sur le terrain», a indiqué le général devenu universitaire.

Mais cette visibilité accrue des militaires américains sur le terrain «ouvre la perspective d'une implication plus profonde» dans les combats, «avec davantage de pertes» américaines, a-t-il expliqué.

Pour l'instant, les Américains ont déployé un peu plus de 5000 militaires en Irak aux côtés des troupes irakiennes, et près de 500 soldats des forces spéciales en Syrie, aux côtés essentiellement des Forces démocratiques syriennes, une coalition arabo-kurde.

Les avions américains bombardent quotidiennement les jihadistes et les forces américaines ont également utilisé des moyens d'artillerie et des hélicoptères d'attaque Apache pour appuyer les Irakiens.

La perspective d'un renforcement des troupes américaines pourrait particulièrement s'envisager en Syrie.

Les militaires américains pourraient ainsi être déployés en plus grand nombre pour aider les forces qui prendront d'assaut la ville de Raqa, la capitale auto-proclamée de l'EI, selon la presse américaine.

«Reconstruire l'armée américaine» 

Donald Trump a également évoqué cette semaine la perspective de «zones de sécurité» en Syrie ayant pour objectif d'éviter que des Syriens ne quittent leur pays pour aller se réfugier dans les pays voisins ou en Europe.

La mise en place de ces «zones de sécurité» nécessite d'importants moyens militaires, ce qui est l'une des raisons pour lesquelles l'administration Obama n'a jamais développé cette option, défendue en interne par beaucoup.

L'administration Trump n'écarte pas non plus la possibilité de mener des «opérations conjointes» avec la Russie contre l'EI, a indiqué cette semaine le porte-parole de la Maison-Blanche Sean Spicer.

Cette perspective sera certainement examinée avec beaucoup de méfiance par le Pentagone, dont les responsables militaires ne cessent de répéter que Moscou n'a jamais réellement cherché à combattre le groupe Etat islamique, s'employant avant tout à renforcer le régime du président Bachar al-Assad.

Quelle que soit l'évolution de la stratégie contre l'EI, le président Trump est en tout cas décidé à augmenter les moyens des militaires américains, après la baisse orchestrée par l'administration précédente.

Le président américain a signé au Pentagone un décret ordonnant un audit de l'état opérationnel des forces américaines, et la préparation d'un amendement au budget 2017 pour commencer très rapidement à augmenter les dépenses militaires.

Il s'agit «d'entamer une grande reconstruction des forces armées des États-Unis, pour développer un plan pour de nouveaux avions, de nouveaux navires, de nouvelles ressources et de nouveaux outils pour nos hommes et femmes en uniforme», a-t-il dit.