Critique vis-à-vis des grands médias durant toute sa campagne, le président élu Donald Trump cherche avec eux une forme de normalisation tendue mais continue à les mettre en cause publiquement et tente de les contourner à chaque occasion.

Rendez-vous pris avec le New York Times, puis annulé, tweets incendiaires contre le quotidien, rendez-vous finalement reprogrammé: la matinée de mardi a offert un concentré de la relation qu'entretient Donald Trump avec les médias traditionnels depuis un an et demi.

Après ces atermoiements, le milliardaire s'est donc rendu dans les locaux du New York Times pour y être interviewé. Le quotidien est «un grand grand joyau américain, mondial», a déclaré Donald Trump aux journalistes présents, selon l'une d'entre eux, Julie Davis.

Le matin même, le magnat de l'immobilier avait pourtant dit, sur son compte Twitter, que le quotidien était «en déroute» et le couvrait «de façon inexacte et avec un ton désagréable».

La normalisation de ses relations avec les médias se fait progressivement, mais en traînant des pieds et de façon désordonnée.

Les journalistes du New York Times ont ainsi tweeté mardi en direct leur entrevue avec le promoteur immobilier, alors que le président élu n'a toujours pas tenu de conférence de presse, tient à l'écart, pratique inédite, le «pool» des journalistes affectés à sa couverture, et tire à vue, via Twitter, sur les «médias pourris».

Lundi, plusieurs dizaines de responsables et présentateurs vedettes de grandes chaînes américaines avaient été conviés à la Trump Tower, non pas pour évoquer la couverture de la future présidence Trump mais pour un sermon sur leurs insuffisances et leur manque supposé de professionnalisme.

«Il n'y a aucun précédent à la relation entre Trump et la presse», estime Joel Kaplan, professeur à la Newhouse School de l'université de Syracuse.

Pour lui, même les présidents «qui n'avaient pas les meilleures rapports (avec les médias) avant leur élection ont compris le rôle de la presse et se sont rapprochés des journalistes».

Le cas le plus connu d'inimitié avec la presse aux États-Unis reste sans doute celui de Richard Nixon, qui lors de sa présidence a régulièrement cherché à l'éviter mais, insiste Joel Kaplan, ne l'attaquait que rarement en public, laissant ce soin à ses équipes, notamment son vice-président, Spiro Agnew.

Contrôler le message 

«Je pense qu'il veut leur faire peur, (...) qu'ils se couchent, mais c'est précisément la dernière chose à faire avec certains d'entre eux», prévient Lucy Dalglish, doyenne de l'école de journalisme de l'université du Maryland.

Pour autant, selon Joel Kaplan, critiques et intimidations n'auront d'effet «qu'à la marge» sur la couverture de la présidence Trump.

Paul Brewer, professeur à l'université du Maryland, s'attend néanmoins à ce que les accès des journalistes au président et à son administration soient nettement plus restreints qu'auparavant, un phénomène lié à Donald Trump, mais pas seulement, selon lui.

«Il y a une tendance qui se dessine depuis quelque temps. Les présidents cherchent de plus en plus à contrôler l'accès des médias», dit-il.

Et même si Donald Trump «se situe à un autre niveau», il rappelle que la candidate Hillary Clinton et son équipe n'ont pas été aussi accessibles aux médias que leurs prédécesseurs, durant la campagne.

L'entrée à la Maison-Blanche de Donald Trump, le 20 janvier, pourrait faire évoluer la nature de sa relation avec les médias, car un président en exercice doit convaincre de l'efficacité de son action, explique Paul Brewer.

«Tous les gouvernements passent par des hauts et des bas et ont généralement besoin des médias pour informer le public de leur stratégie quand les choses ne vont pas bien», observe Joel Kaplan.

Donald Trump semble compter davantage sur les canaux qu'il contrôle, principalement les réseaux sociaux mais aussi l'allocution vidéo comme celle postée sur YouTube lundi, pour diffuser son message, une méthode gagnante lors de la campagne.

«Est-ce que cela fonctionnera aussi lorsqu'il y aura une récession ou une attaque terroriste?», s'interroge Joel Kaplan, «cela reste à voir».

Quelque 59% des Américains estiment en tout cas que le président élu devrait fermer son compte Twitter pour se concentrer sur ses nouvelles fonctions, selon un sondage de l'université Quinnipiac publié mardi.