L'administration du président Barack Obama a levé un coin du voile vendredi sur ses frappes «anti-terroristes» par drones, une pratique controversée qu'elle a considérablement développée et qu'elle cherche à mieux encadrer avant que la Maison-Blanche ne change de pensionnaire.

Pour la première fois, la direction du renseignement américain (DNI) a publié un bilan chiffré, bien que très succinct, des ces bombardements réalisés par les États unis hors zone de guerre, depuis l'entrée en fonction du président Obama en 2009.

Ces bombardements contre les extrémistes islamiques, réalisés principalement par des drones de la CIA ou du Pentagone, ont tué jusqu'à 2581 combattants, dans des pays comme le Pakistan, le Yémen ou la Somalie.

Mais elles ont aussi causé la mort de 64 à 116 civils, reconnaît la direction du renseignement américain.

Se tournant vers l'avenir, le président américain a également signé un décret ordonnant aux différentes agences impliquées dans les frappes de prendre toutes les précautions possibles dans leur conduite «pour réduire la probabilité de victimes civiles».

Il précise explicitement qu'elles devront reconnaître la responsabilité des États-Unis en cas de victimes civiles et dialoguer avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et les autres organisations non-gouvernementales qui opèrent dans les zones de conflit.

Le décret prévoit également la publication annuelle d'un rapport sur le nombre de tués, comme celui publié vendredi, au plus tard au 1er mai de l'année suivante.

Pour Naureen Shah, une responsable d'Amnesty International, le président Obama cherche à encadrer la pratique, avec à l'esprit l'idée que ses successeurs à la Maison-Blanche pourraient être moins rigoureux que lui.

«Clairement, cette administration se demande ce que fera la prochaine administration, et cherche à lui lier les mains un petit peu», a-t-elle expliqué.

Le décret crée aussi un «précédent positif» pour les autres gouvernements qui sont en train de se doter de drones comme les États-Unis, a-t-elle estimé.

Mais Naureen Shah, comme ses collègues d'autres ONG de défense des libertés civiles, souligne que l'administration est encore loin de la transparence dans l'application de son droit de tuer.

L'opacité demeure sur les critères retenus pour qualifier une personne de «combattant» extrémiste, souligne-t-elle. «Nous ne savons pas quel est le seuil de preuve pour cette administration. Tel que les chiffres nous sont présentés maintenant, c'est très difficile de les évaluer».

Le Bureau du journalisme d'investigation, une ONG basée à Londres, juge que les pertes civiles liées aux bombardements américains hors zone de guerre sont en réalité 6 à 7 fois supérieures aux chiffres du renseignement américain.

355 bombardements au Pakistan

L'administration américaine «continue à cacher les identités des gens qu'elle a tués» et ne publie pas ses enquêtes sur les possibles erreurs, a déploré Hina Shamsi, une responsable de l'Association américaine pour les libertés civiques (ACLU).

Les frappes de drones américaines se sont considérablement développées depuis l'arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche.

Au Pakistan, théoriquement un pays allié, le nombre de frappes de drones est passé de 48 pendant la présidence Bush à 355 sous l'ère Obama, selon les chiffres de la Fondation New America, un cercle de réflexion de Washington.

Dans ce pays, qui détient le record des bombardements américains hors zones de guerre, le pic a été atteint en 2010, avec 802 combattants tués, selon la même source.

Il est largement redescendu depuis, avec 57 tués en 2015.

Aujourd'hui, les frappes «anti-terroristes» restent importantes au Yémen et en croissance en Somalie, avec respectivement 116 et 203 morts en 2016, selon la Fondation New America. Des bombardements également opérés par des avions.

Les chiffres des ONG montrent par ailleurs que le nombre de victimes civiles est également très largement redescendu ces dernières années.

Selon ceux de la Fondation New America, les victimes civiles se compteraient sur les doigts de la main chaque année depuis 2014.

Deux chefs militaires tués

Par ailleurs, deux chefs militaires du groupe État islamique (EI) ont été tués dans une frappe de la coalition dirigée par les États-Unis près de Mossoul, la place forte des djihadistes dans le nord de l'Irak, a annoncé vendredi le porte-parole du Pentagone Peter Cook.

Une frappe aérienne le 25 juin «a tué Basim Mohammed Sultan al-Bajari, le ministre de la guerre adjoint de l'EI et Hatim Talib al-Hamduni, un commandant militaire à Mossoul», a indiqué M. Cook dans un communiqué.

Ils faisaient partie des «principaux responsables militaires de l'EI dans le nord de l'Irak», a indiqué le porte-parole.

Al-Bajari était un «terroriste expérimenté, ancien membre d'Al-Qaïda», selon Peter Cook.

«Il a supervisé l'offensive de l'EI en juin 2014 pour prendre Mossoul, et a aussi mené le bataillon Jaysh al-Dabiq, connu pour utiliser les véhicules piégés, les kamikazes et le gaz moutarde dans ses attaques», selon le porte-parole américain.

Hatim Talib al-Hamduni était lui un responsable de la police militaire, selon M. Cook.

Cette élimination permet de «préparer le terrain pour que les forces irakiennes puissent libérer Mossoul avec le soutien de la coalition».

La coalition mène une politique délibérée d'élimination des responsables djihadistes, pour tenter de désorganiser le groupe extrémiste.

Elle les tue au rythme de «un tous les trois jours», s'était félicité la semaine dernière devant le Congrès Brett McGurk, l'envoyé spécial de Barack Obama auprès de la coalition anti-djihadiste.

Mossoul est la deuxième ville d'Irak. Sa reprise à l'EI est désormais le grand objectif de la coalition et des forces irakiennes, qui progressent vers elle depuis le sud et l'est.

L'administration américaine espère avoir achevé la campagne militaire contre le groupe Etat islamique avant la fin de l'été 2017, avait indiqué M. McGurk.