Le gouvernement de Barack Obama a jeté vendredi tout son poids dans la «bataille des toilettes» qui agite les États-Unis, en publiant des directives contre la discrimination des personnes transgenres en milieu scolaire.

Ces recommandations, énoncées dans une circulaire conjointe des ministères de la Justice et de l'Éducation, affirment que l'accès aux toilettes et aux vestiaires publics doit se faire selon le sexe auquel un élève s'identifie, et non selon son sexe de naissance.

«Aucun élève ne devrait se sentir indésirable dans une école ou un campus universitaire», a justifié le ministre de l'Education John King.

Mais des élus conservateurs ont réagi en dénonçant un «chantage» et un abus de pouvoir de la Maison-Blanche, accusée d'autoriser garçons et filles à se doucher ensemble.

Voilà en tout cas avivée la controverse suscitée par une loi de la Caroline du Nord qui impose aux personnes transgenres d'utiliser au contraire les toilettes en fonction de leur sexe quand elles sont nées.

Cette loi a été jugée discriminatoire par de multiples personnalités, issues de la société civile ou du parti démocrate, la majorité des élus républicains se gardant de leur côté d'entrer dans le débat.

Ces nouvelles directives de l'administration Obama concernent tout le système scolaire public, du primaire jusqu'à l'enseignement supérieur.

Elles n'ont pas force de loi, mais avertissent les institutions éducatives locales qu'elles risquent de perdre leurs subventions fédérales si elles ne s'y conforment pas.

Moins de 1% des Américains

Selon le National Center for Transgender Equality, le nombre de personnes transgenres aux États-Unis est inconnu. L'organisation avance seulement l'estimation que les transsexuels représentent 0,25 à 1% de la population américaine.

Dans le détail, la circulaire demande aux écoles d'agir «rapidement et efficacement» contre tout harcèlement d'un élève fondé sur son identité sexuelle. Les écoles, ajoute-t-elle, doivent considérer les élèves en fonction de leur identité sexuelle affichée, même si un document officiel mentionne un autre sexe.

L'administration fédérale espère désamorcer les velléités d'États qui voudraient copier la Caroline du Nord, alors que le Mississippi lui a emboîté le pas en avril et que d'autres législations similaires sont envisagées dans des régions conservatrices comme le Texas.

Les défenseurs de la position de la Caroline du Nord avancent deux arguments principaux, l'un religieux, l'autre sécuritaire. «Pas d'homme dans les toilettes des femmes», martèlent-ils sur les réseaux sociaux ou dans les rassemblements.

Vendredi, la circulaire d'uniformisation des autorités centrales était critiquée par des républicains comme un empiétement fédéral sur les prérogatives des États.

«La justice et le Congrès doivent intervenir pour stopper ce gigantesque abus de l'exécutif, qui piétine allègrement le cadre constitutionnel», a réagi Pat McCrory, gouverneur de la Caroline du Nord.

De son côté le gouverneur adjoint du Texas, Dan Patrick, s'est dit prêt à renoncer à la manne fédérale plutôt que de céder au «chantage» de la Maison-Blanche.

«En somme Barack Obama, si les écoles ne se résignent pas à forcer les filles à se doucher avec les garçons et à forcer les fillettes de 8 ans à subir l'irruption de garçons dans leurs salles de bain, alors vous prendrez l'argent des plus pauvres parmi les pauvres», a interpellé M. Patrick.

«Eh bien nous ne céderons pas au chantage du président des États-Unis. Nous ne vendrons pas nos enfants au gouvernement fédéral».

Ces déclarations «illustrent le danger d'élire un animateur radio de droite à un poste de responsabilité d'un État», a commenté Josh Earnest, le porte-parole de la Maison-Blanche, en référence à la carrière radiophonique de l'élu conservateur texan.

Affrontement judiciaire

Donald Trump, candidat républicain à la présidentielle de novembre, a aussi estimé que la décision devait revenir aux États.

La polémique sur l'accès aux toilettes publiques pour les personnes transgenres a déjà pris cette semaine un virage judiciaire, avec des actions opposées lancées par le ministère de la Justice et le gouverneur de Caroline du Nord.

Selon la ministre de la Justice Loretta Lynch, la loi controversée adoptée le 23 mars «revient à infliger davantage d'indignité à une communauté qui a déjà souffert bien plus que son dû».

Le texte a d'ailleurs déclenché une tempête dépassant largement les frontières de la Caroline du Nord, avec des protestations nationales, voire internationales, car impliquant des firmes étrangères comme Deutsche Bank.

Les artistes ont été les fers de lance de cette contestation, parmi lesquels Bruce Springsteen, Pearl Jam, Bryan Adams et Ringo Starr.