Il y a environ deux mois, le chroniqueur David Brooks, du New York Times, faisait un aveu doublement étonnant dans les pages de ce journal: «Barack Obama me manque ». Bien sûr, Obama ne quittera pas son poste avant le 20 janvier 2017. Et Brooks demeure un conservateur bon teint qui s'oppose à la plupart des politiques du président démocrate.

Or, au coeur d'une des campagnes présidentielles les plus débilitantes de l'histoire américaine, Brooks exprimait un sentiment que plusieurs de ses compatriotes ressentent sans doute. Un sentiment qui a probablement contribué à la hausse récente de la popularité du président.

«Plusieurs des traits de caractère et de leadership que possède Obama, et que nous avons peut-être trop tenus pour acquis, ont soudainement disparu ou sont en quantité limitée», écrivait Brooks en évoquant un paysage politique dominé par les outrances de Donald Trump.

Brooks vantait également l'humanité d'Obama, son respect pour la dignité des autres, le sérieux de son processus décisionnel, son calme sous la pression et son optimisme tenace.

La majorité des Américains ne sont pas nécessairement d'accord avec tous les aspects de ce portrait pour le moins flatteur d'Obama. Mais il reste qu'ils voient aujourd'hui leur président de façon plus positive que tous les candidats à la présidence, démocrates ou républicains, selon un sondage Associated Press/GfK publié la semaine dernière.

Obama récolte ainsi 53% d'opinions favorables, contre 48% pour Bernie Sanders, 40% pour Hillary Clinton, 34% pour John Kasich et 26 % pour Ted Cruz et Donald Trump. Le président n'avait pas atteint une cote aussi élevée depuis le début de son second mandat à la Maison-Blanche.

Cette hausse de popularité n'est pas seulement une affaire de nostalgie, loin de là. Elle tient en bonne partie à une économie qui semble prendre du mieux aux yeux d'une pluralité d'Américains, selon le sondage AP/GfK. Mais elle n'est pas non plus étrangère à la comparaison que certains électeurs établissent entre l'occupant de la Maison-Blanche et ceux qui veulent prendre sa place.

«Une des qualités [d'Obama] que j'aime est sa capacité à travailler avec d'autres pays et à conclure des ententes», a dit Terry Trudeau, 66 ans, un des répondants du sondage AP/GfK, en donnant en exemple l'accord sur le climat négocié par l'administration américaine avec la Chine. «Donald Trump ne sera jamais capable de faire cela. Il tenterait de les intimider.»

À la défense de Clinton

Si l'élection présidentielle de novembre met aux prises Trump et Clinton, les Américains feront face à un choix qui laissera un goût amer à plusieurs d'entre eux. Ils devront élire à la Maison-Blanche un candidat ou une candidate qui inspire à une majorité d'entre eux des opinions défavorables. Du jamais vu dans l'histoire américaine.

Clinton peut au moins se consoler en pensant que l'impopularité de Trump fracasse tous les records (70 % des Américains, dont 31 % de républicains, ont de lui une opinion négative, selon le sondage AP/GfK). Elle peut aussi se rassurer en sachant qu'Obama a promis de se battre à ses côtés pour assurer son élection à la Maison-Blanche.

Cette promesse est d'autant plus bienvenue que la popularité d'Obama est à la hausse. Et le président démocrate est monté au créneau pour défendre son ancienne secrétaire d'État lors d'une interview diffusée hier matin à Fox News.

Tout en garantissant l'indépendance de l'enquête du FBI sur la messagerie privée de Clinton, Obama a tenu à «replacer les choses en perspective» et à assurer que la «négligence» de l'ex-chef de la diplomatie américaine n'avait «pas mis en danger la sécurité nationale de l'Amérique».

Quand le journaliste Chris Wallace a demandé au président s'il continuerait à défendre l'indépendance de l'enquête du FBI après l'investiture éventuelle de Clinton, celui-ci a haussé quelque peu le ton: «Combien de fois dois-je le répéter? C'est garanti!»

Les auditeurs les plus fidèles de Fox News n'ont sans doute pas changé leur opinion à propos du 44président, considéré comme un socialiste ou un musulman par certains d'entre eux. Mais les autres ont dû relever avec une mélancolie teintée d'appréhension que la plus importante controverse à laquelle il a dû répondre concernait la démocrate qui aspire à le remplacer.