Le pape François s'est immiscé jeudi avec fracas dans la campagne présidentielle américaine en jugeant que le favori du camp républicain, Donald Trump, n'était « pas chrétien », ce qui a aussitôt provoqué la fureur du milliardaire américain.

« Une personne qui veut construire des murs et non des ponts n'est pas chrétienne », a lancé le pape François, dans l'avion qui le ramenait du Mexique, en réponse à la question d'un journaliste sur les positions anti-immigrés du candidat à la primaire républicaine.

Jorge Bergoglio a certes affirmé qu'il n'était évidemment pas question pour lui de s'ingérer dans la campagne présidentielle, mais la réaction du milliardaire américain a été immédiate. « Qu'un leader religieux mette en doute la foi d'une personne est honteux », a indiqué Donald Trump dans un communiqué.

« Ce n'est pas dans l'Évangile. Voter, ne pas voter, je ne m'immisce pas. Mais je dis seulement : ce n'est pas chrétien », a affirmé le pontife argentin.

Au journaliste qui lui rapportait les déclarations de Donald Trump, jugeant qu'il faisait de la politique, le pape François a ironisé : « Grâce à Dieu, il a dit que j'étais un politique, car Aristote a défini l'homme comme animal politicus, au moins je suis un homme! »

Conscient sans doute de la dureté de ses propos, le pape jésuite a tenté de les minimiser en se demandant si Donald Trump avait « prononcé ces choses ainsi ». « Cela lui donne le bénéfice du doute », a-t-il ainsi ajouté.

Le favori de la primaire républicaine, très critique du pape François, avait annoncé en juin qu'il ferait construire un mur à la place de l'actuel grillage entre le Mexique et les États-Unis s'il était élu président.

« Un pape très politique »

« Je pense que le pape est quelqu'un de très politique », a déclaré la semaine dernière Donald Trump sur la chaîne Fox Business. « Je pense qu'il ne comprend pas les problèmes de notre pays. Je ne suis pas sûr qu'il mesure le danger que représente (pour nous) cette frontière ouverte avec le Mexique », a ajouté le magnat de l'immobilier.

Deux adversaires pour la primaire républicaine ont réagi. « Je ne remets en question la chrétienté de personne car je pense en toute honnêteté que c'est une relation que vous avez avec votre créateur », a déclaré Jeb Bush, ajoutant ne pas « comprendre ce que signifie » la sortie papale.

Pour le sénateur Marco Rubio, né de parents cubains, le pape devrait reconnaître « la générosité » des États-Unis qui « acceptent chaque année un million » de personnes comme résidents permanents. Mais « nous avons aussi le droit (...) de choisir qui entre, quand ils entrent et comment ils entrent ».

Le vote des chrétiens - catholiques et protestants - pèse lourd aux États-Unis, et s'étend des ultra-conservateurs, membres du Tea Party, aux progressistes.

L'Église catholique américaine est elle-même divisée. Un bon nombre d'évêques, comme le cardinal Timothy Dolan de New York, sont réservés ou hostiles vis-à-vis de l'attitude moins intransigeante du pape François sur les questions de société. Beaucoup d'évêques et d'ONG catholiques, en revanche, sont en première ligne pour la défense des droits des immigrés, qui constituent une bonne partie des catholiques aux États-Unis.

Le Vatican a expliqué que le pape ne parlait pas en homme politique mais en homme de foi : « La politique n'est pas le métier du pape. C'est un homme de foi, il ne faut pas s'étonner que son message pastoral ait des répercussions politiques et sociales », avait ainsi déclaré le père Federico Lombardi, porte-parole du Vatican, mercredi dans un point de presse à Mexico.

Il n'empêche, il est rare qu'un pape s'immisce de cette manière dans une campagne électorale, du moins dans l'histoire contemporaine. Le pape polonais Jean Paul II a certes joué un rôle non négligeable dans la chute du mur de Berlin et du communisme, mais sans ingérence politique directe.

François, qui a rappelé l'an dernier aux États-Unis et cette semaine au Mexique qu'il était « fils d'immigré », a fait de la défense des migrants et des plus faibles l'axe central de son pontificat.

Mercredi, lors d'une messe transfrontalière inédite à Ciudad Juárez devant plusieurs dizaines de milliers de personnes il a de nouveau dénoncé la « tragédie humaine » des migrations forcées.

Trump déplore les propos «honteux» du pape

Le candidat républicain à la présidence américaine Donald Trump a qualifié de «honteux» les propos du pape François.

«Qu'un leader religieux mette en doute la foi d'une personne est honteux», a déclaré le milliardaire dans une déclaration qu'il a lue lors d'un rassemblement en Caroline-du-Sud. «Aucun dirigeant, notamment un leader religieux, ne devrait avoir le droit de remettre en question la religion ou la foi d'un autre homme».

«Je suis fier d'être chrétien et, comme président, je ne laisserai pas la chrétienté être constamment attaquée et affaiblie, contrairement à ce qui se produit en ce moment avec notre actuel président», a ajouté M. Trump.

«Le gouvernement mexicain et ses dirigeants ont fait des déclarations désobligeantes à mon encontre auprès du pape», a poursuivi le candidat républicain, qui a remporté la primaire du New Hampshire la semaine passée. «Le pape n'a entendu qu'une version de l'histoire, il n'a pas vu la criminalité, le trafic de drogues et l'impact économique négatif que les politiques actuelles ont sur les États-Unis».

Le communiqué de presse intégral (en anglais)

​Donald J. Trump Response to the Pope

If and when the Vatican is attacked by ISIS, which as everyone knows is ISIS's ultimate trophy, I can promise you that the Pope would have only wished and prayed that Donald Trump would have been President because this would not have happened. ISIS would have been eradicated unlike what is happening now with our all talk, no action politicians.

The Mexican government and its leadership has made many disparaging remarks about me to the Pope, because they want to continue to rip off the United States, both on trade and at the border, and they understand I am totally wise to them. The Pope only heard one side of the story - he didn't see the crime, the drug trafficking and the negative economic impact the current policies have on the United States. He doesn't see how Mexican leadership is outsmarting President Obama and our leadership in every aspect of negotiation.

For a religious leader to question a person's faith is disgraceful. I am proud to be a Christian and as President I will not allow Christianity to be consistently attacked and weakened, unlike what is happening now, with our current President. No leader, especially a religious leader, should have the right to question another man's religion or faith. They are using the Pope as a pawn and they should be ashamed of themselves for doing so, especially when so many lives are involved and when illegal immigration is so rampant.