Les tribunaux pourraient être appelés à intervenir si Barack Obama tente, par un décret présidentiel, de fermer la prison de Guantánamo en transférant une partie des détenus en sol américain.

Les républicains ont signé un contrat d'une valeur de 200 000 $ avec deux avocats renommés afin que ceux-ci les conseillent sur la marche judiciaire à suivre advenant une telle décision de la part du chef d'État américain.

Une porte-parole de Paul Ryan, le leader des républicains à la Chambre des représentants, a déclaré à la revue Politico que le politicien était «prêt à défendre énergiquement l'autorité du Congrès si le président tent[ait] une action illégale».

La mise en garde survient alors que les conjectures vont bon train à Washington sur le contenu d'un plan que développe l'administration pour fermer définitivement la prison, qui compte encore aujourd'hui une centaine de détenus.

Depuis des mois, des émissaires du président s'activent pour trouver des pays tiers acceptant de recevoir les prisonniers qui ont été jugés inoffensifs par un comité d'experts. Une quarantaine d'entre eux sont toujours en attente de transfert.

Le ministère de la Défense, qui chapeaute le centre de détention situé sur l'île de Cuba, avait annoncé l'été dernier qu'il étudiait des centres de détention au Kansas et en Caroline-du-Sud dans le but de transférer une partie des détenus restants en sol américain.

Un projet de loi voté à l'automne relativement au financement du ministère de la Défense est cependant venu réitérer qu'aucun transfert de cette nature ne pouvait être effectué.



LES RÉPUBLICAINS «À CÔTÉ DE LA PLAQUE»

Le président, qui avait fait de la fermeture de Guantánamo l'une de ses priorités à son arrivée au pouvoir, a réitéré récemment sa détermination lors de son discours sur l'état de l'Union, relançant les interrogations sur un possible décret qui outrepasserait les restrictions du Congrès.

Laura Pitter, spécialiste des questions de contre-terrorisme à Human Rights Watch, note que le chef de l'État continue officiellement de dire qu'il entend procéder avec l'aval des élus dans ce dossier, sans décret.

Le recrutement de coûteux avocats pour se préparer à un scénario hypothétique constitue une «très mauvaise façon d'utiliser les fonds publics», juge-t-elle.

Bien que l'attitude des dirigeants républicains ne semble guère favorable à un tel dénouement, il n'est pas impossible, selon Mme Pitter, qu'un autre projet de loi comportant une série de mesures menant à la fermeture de Guantánamo soit adopté avant la fin du mandat de Barack Obama.

Le contexte électoral ne facilite évidemment pas le processus.

Raha Wala, de Human Rights First, pense que les élus républicains sont « à côté de la plaque » en évoquant, à ce stade, l'idée d'une requête devant les tribunaux.

« Nous incitons le président à faire tout ce qui peut être fait légalement pour fermer Guantánamo, et c'est beaucoup de choses. Si l'administration décide à un certain moment qu'il faut agir de manière plus agressive [par décret], de sérieuses questions légales vont être soulevées quant à l'étendue de son pouvoir », note M. Wala.

L'opposition des républicains au transfert de détenus en sol américain vise à faire peur à la population et ne tient pas compte des faits, déplore l'activiste.

« Aucune personne soupçonnée de terrorisme ou condamnée pour ce motif n'a réussi par le passé à s'échapper d'un établissement de haute sécurité aux États-Unis », relève-t-il.

L'administration, note M. Wala, doit dévoiler sans plus tarder son plan d'action de manière à ce qu'un débat concret puisse s'engager avec les élus du Congrès sur la marche à suivre.

« Il n'y aura jamais de bon moment pour procéder. Pour le président, c'est maintenant ou jamais », conclut-il.