Une militante «noire», figure locale de la lutte pour les droits des Afro-Américains à Spokane, dans l'État de Washington, et soupçonnée d'avoir menti sur ses origines en étant en fait blanche, a démissionné lundi de la direction de son organisation, sans néanmoins donner d'explication.

Dans une réaction très attendue depuis qu'elle est au centre de la polémique, Rachel Dolezal, 37 ans, a annoncé sa démission de la présidence de l'organisation de défense des droits des Noirs NAACP de Spokane, dans une longue lettre publiée sur la page Facebook du groupe.

La militante, qui a affirmé prendre sa décision «dans l'intérêt de la NAACP», a indiqué passer la main à son vice-président «avec une totale fidélité à la cause de la justice raciale et de la NAACP».

«Au regard de la tempête actuelle, une séparation entre affaires familiales et organisationnelles est dans le meilleur intérêt de la NAACP», a ajouté l'ex-présidente qui détaille à l'envi, avec un langage très militant, son engagement pour la cause noire et les «nombreux problèmes auxquels nous faisons face actuellement».

Elle n'a en revanche fait aucune allusion aux révélations sur son identité réelle si ce n'est pour évoquer, de manière peu claire, un «débat qui s'est focalisé, de manière inattendue et internationalement, sur mon identité personnelle dans un contexte de définition de race et d'origine ethnique».

Rachel Dolezal est depuis la fin de la semaine dernière au centre d'une polémique après la révélation, par ses propres parents biologiques, de ses vraies origines blanches. Elle a fait carrière en mentant apparemment depuis des années sur sa couleur de peau et en se faisant passer pour noire, pour une raison encore inconnue.

La jeune femme occupe également depuis un an un poste de médiateur indépendant pour la police de la ville de Spokane, non mentionné dans sa lettre.

La «risée de la nation» 

La municipalité de Spokane a fait connaître lundi sa «déception» devant les doutes soulevés. «Nous voulons être une ville transparente et les fausses déclarations supposées d'un de nos citoyens bénévoles détourne de cet effort», selon un communiqué du maire David Condon, annonçant avoir saisi la commission d'éthique de la ville pour enquête.

Pour occuper ce poste de médiateur indépendant, Mme Dolezal avait en effet rempli un formulaire de la ville en indiquant être en partie noire, blanche et de sang indien, ce qui serait donc un mensonge que ni l'opinion publique, ni les autorités ne tolèrent aux États-Unis.

La militante avait reçu le soutien au niveau national de la NAACP, qui ne s'était pas exprimée lundi, mais était sur la sellette au niveau local. Un membre de son chapitre l'avait accusée d'avoir fait de ce groupe «la risée de la nation».

Les soupçons ont éclaté au grand jour après que les propres parents - blancs - de la jeune femme, originaires du Montana et clairement identifiés sur son certificat de naissance, eurent affirmé que leur fille biologique était blanche, photos d'enfance à l'appui.

On y voit une adolescente blonde et à la peau pâle, et toujours blonde le jour de son mariage à un homme noir, dont elle a divorcé. A ses côtés se trouvaient alors quatre jeunes enfants noirs adoptés par ses parents. Des photos ou interviews récentes la montrent avec un casque de cheveux crépus ou en dreadlocks, la peau couleur caramel.

Interrogés lundi par la chaîne MSNBC, les parents, Lawrence et Ruthanne Dolezal, ont noté que leur fille, brouillée depuis des années avec eux, n'avouait rien ni ne s'excusait. C'est néanmoins «un premier pas», a ajouté la mère, souhaitant que sa fille «aille de l'avant pour embrasser sa vraie personnalité».

Titulaire d'un master en arts de la Howard University, université noire historique de la capitale fédérale Washington, Rachel Dolezal enseignait à temps partiel comme «chargée de cours» et non professeur, les études africaines à l'Eastern Washington University. Son contrat a pris fin vendredi, pure coïncidence avec la date des révélations, a indiqué l'université à l'AFP.

Plusieurs médias indiquaient que la militante avait attaqué en justice, en vain, la Howard University pour discrimination raciale pour lui avoir refusé un poste parce qu'elle était blanche, en 2002. Contactée, l'université s'est refusée à toute déclaration.