Quand le sénateur Bernie Sanders parle, les mots «riches», «millionnaires», «milliardaires» reviennent invariablement. Toute la carrière de celui qui défie aujourd'hui Hillary Clinton aux primaires démocrates de 2016 a été menée à gauche de la gauche, avec un succès croissant.

À 73 ans, Bernie Sanders a lancé jeudi à Washington sa candidature à l'investiture pour la présidentielle de novembre 2016, devenant le deuxième candidat officiel côté démocrate.

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«Comment est-il possible que les 1% les plus riches détiennent presque autant de richesses que les 90% les moins riches?», a déclaré Bernie Sanders lors d'une conférence de presse à l'extérieur du Capitole, programmée la veille et sans fanfare, à l'image de cet iconoclaste qui a passé sa carrière à dénoncer la démesure des dépenses électorales.

«Ce type d'économie est non seulement immoral, non seulement mauvais, il est insoutenable», a dit le candidat, débraillé et les cheveux ébouriffés comme à son habitude. Après quelques minutes de questions-réponses, il a enjambé un muret et est reparti, sans conseiller en communication ni garde du corps, vers le Capitole.

Le sénateur aime rappeler ses humiliants échecs électoraux dans les années 1970, dans le petit État hippie du Vermont, pour prouver sa ténacité et répondre à ceux qui ironisent sur une candidature qui serait plus symbolique que sérieuse.

Bernie Sanders est unique au Congrès: il est le seul parlementaire à épouser l'étiquette «socialiste», et l'un des deux indépendants, ni démocrate, ni républicain, une rareté dans le système bipartite américain. Il siège avec le groupe démocrate du Sénat.

Au-delà du Vermont, qu'il a représenté à la Chambre des représentants de 1990 à 2007, et au Sénat où il siège depuis, sa notoriété est d'ailleurs faible. Mais le Sénat, où il fut réélu triomphalement en 2012, lui donne depuis plusieurs années une plateforme efficace pour houspiller les républicains et les démocrates trop acoquinés avec le patronat.

Campagne à l'ancienne

Dès l'un de ses premiers discours à la Chambre, le 9 janvier 1991, les thèmes de sa carrière sont déjà là: critique des banques, défense du système éducatif et de l'industrie manufacturière.

Il s'oppose vivement à la première guerre du Golfe, «une terrible erreur que ce pays regrettera pendant des décennies». Et vote contre la guerre d'Irak en 2002, un vote qu'il a souligné jeudi, sachant pertinemment qu'Hillary Clinton, alors sénatrice, avait soutenu le recours à la force.

Bernie Sanders promet une campagne à l'ancienne, ignorant la déréglementation du financement électoral engagée depuis 2010 et se contentant des plafonds de campagne traditionnels (2.700 dollars par personne pour les primaires). Il a aussi promis de rester positif.

«Je me demande si, à notre époque, il est possible pour un candidat qui n'est pas milliardaire ou serviteur de la classe des milliardaires, de réussir à faire campagne», a-t-il dit. «Les milliardaires sont littéralement capables d'acheter les élections et les candidats».

Assimile-t-il Hillary Clinton à cette classe? Récemment, il a exprimé ses doutes sur sa capacité «à s'attaquer aux grands de la finance».

Répondant à une question sur son illustre rivale, il a refusé de la critiquer mais a relevé le flou de ses positions. Par contraste, il a rappelé qu'il menait la résistance au Sénat contre l'accord de libre-échange transpacifique que Barack Obama négocie actuellement. Hillary Clinton a historiquement soutenu de tels accords mais n'a pas tranché sur celui-ci.

Bernie Sanders a aussi redit son opposition à la construction de l'oléoduc Keystone XL entre le Canada et les États-Unis, un dossier cher aux écologistes et qui fut un temps de la responsabilité d'Hillary Clinton, lorsqu'elle était secrétaire d'État. L'ancienne Première dame n'a jamais dit si elle était favorable au projet ou non.

À ce stade, Mme Clinton reste la préférée de plus de 60% des démocrates, très loin devant Bernie Sanders. Mais le camp Clinton a publiquement dit que toute concurrence serait la bienvenue, pour dissiper toute image d'«héritière».

«Je suis d'accord avec Bernie», a simplement réagi Hillary Clinton, sur Twitter. «Le but c'est d'aider la classe moyenne. Le parti républicain les freinerait. Je lui souhaite bienvenue dans la course».