Pendant que le fils de la consule canadienne en Floride s'apprête à plaider non coupable à une accusation de meurtre, la colère gronde dans les rues de Miami dans la foulée de l'attaque sanglante qu'il est soupçonné d'avoir fomentée avec son frère aîné.

« Je peux seulement imaginer la fureur qui va frapper les Canadiens maintenant. La mère, elle ne peut rien faire pour sortir son fils de là. À la télévision, ils ont dit qu'elle aurait voulu qu'il soit jugé au Canada. Je suis bien contente que ça lui soit refusé », lance la mère de Johan, l'un des jeunes blessés par balles lundi dans la fusillade impliquant les deux frères canadiens (elle refuse de donner son nom complet, et comme il est toujours hospitalisé, il n'apparaît pas dans les documents judiciaires).

Selon les rapports de police, Marc Wabafiyebazu, 15 ans, et son frère Jean, 17 ans, sont allés rencontrer deux trafiquants de drogue dans le quartier populaire de Coral Way. Ils avaient rendez-vous pour acheter deux livres de marijuana.

Une fois au point de rencontre, Marc est resté à l'extérieur. Jean, armé, est entré dans un appartement pour négocier la transaction. Des coups de feu ont éclaté. Jean est mort, tout comme l'un des trafiquants, Joshua Walsh. Deux autres personnes ont été blessées par balles, dont le jeune Johan, qui était le locataire officiel de l'appartement.

Marc s'est ensuite emparé d'une arme et a tiré plusieurs coups en l'air, hystérique. Il a été arrêté pour meurtre, en vertu d'une loi de la Floride qui permet de porter ce chef d'accusation contre tout participant à un crime qui se solde par une mort d'homme. Les accusations n'ont toutefois pas encore été officiellement déposées. En Floride, la poursuite dispose d'une vingtaine de jours pour réévaluer la situation.

La théorie de la police se précise : Jean, avec ou sans la complicité de Marc, aurait tendu un piège aux revendeurs de drogue, qu'il voulait détrousser.

«Il faut être un animal»

La mère de Johan, qui est venue faire le ménage et récupérer les effets de son fils dans l'appartement encore ensanglanté, affirme qu'il a été blessé au foie et qu'il doit sa survie aux soins des médecins.

« On n'emporte pas d'armes à feu quelque part si on ne pense pas tirer. Comment, à 17 ans, peut-on entrer chez quelqu'un et lui tirer une balle directement entre les deux yeux ? Il faut être un animal pour faire ça ! »

Elle n'est pas la seule à enrager. Des dizaines d'amis de Joshua Walsh se sont réunis devant la scène du crime mercredi soir, pour pleurer la mort de celui qu'ils surnommaient « Obama », car il était considéré comme « le président du quartier ». Ils ont laissé d'innombrables cierges et bouquets de fleurs, ainsi que des joints de cannabis et des bouteilles d'alcool devant la porte.

« Ça n'en restera pas là, frère », a lancé l'un d'eux sur Twitter, sous le pseudonyme LongLiveObama.

Risque de fuite

Par ailleurs, La Presse a finalement obtenu l'enregistrement audio de la comparution de Marc Wabafiyebazu, qui a eu lieu mardi en l'absence de tout représentant des médias.

On y apprend que c'est notamment en raison de son statut de Canadien et de fils de diplomate que la poursuite a tenu à ce que le jeune homme demeure incarcéré en attente du procès.

« Nous le considérons comme à risque de fuite. Notre compréhension est que sa mère est la consule du Canada, et nous craignons qu'il puisse se rendre au Canada », dit-elle.

« Il est un danger pour la communauté », ajoute la procureure, faisant référence à une arme avec laquelle le jeune Canadien a tiré en l'air à plusieurs reprises.

Une représentante de la poursuite a confirmé à La Presse que les procureurs sont en train d'évaluer s'il est souhaitable de demander la tenue d'un procès dans un tribunal pour adultes, comme le permet la loi.

L'avocat de Marc Wabafiyebazu, Me Curt D. Obront, affirme que son client va se défendre vigoureusement. Devant la cour, il a déjà souligné à plus d'une reprise que l'adolescent était à l'extérieur de la maison lorsque les gens ont été tués et qu'il n'a pas d'antécédents judiciaires. « Nous allons certainement plaider non coupable », a-t-il assuré lors d'un entretien téléphonique hier.

Avant que les accusations ne soient portées, il veut exposer certains faits aux procureurs. « Je prévois m'asseoir avec l'équipe qui s'occupe de la poursuite et avoir des discussions à ce sujet. C'est une tragédie, le mot n'est même pas assez fort, deux familles sont anéanties et nos pensées vont aux proches et aux amis des victimes. »

La Floride applique toujours la peine de mort pour des cas de meurtre commis par des adultes, mais même si son client est jugé dans un tribunal pour adultes, l'avocat ne craint pas cette possibilité.

« Je crois que non, ça ne s'appliquera pas du tout, la poursuite n'est pas du tout là », dit-il.

«Votre douleur est notre douleur»

La consule Roxanne Dubé, qui venait d'apprendre la mort de son fils aîné, a demandé à voir son cadet en privé après sa comparution, ce qui lui a été refusé par la juge. Elle a toutefois pu s'entretenir avec lui dans la salle d'audience.

« L'enregistrement fonctionne. Ne dites rien que vous ne voudriez pas voir enregistré », a toutefois prévenu la magistrate.

Roxanne Dubé et sa famille ont publié une déclaration publique sur le drame hier. « Nous voulons exprimer nos plus sincères condoléances à la famille de Joshua Wright, qui a également perdu un fils, et à tous ceux qui ont été si tragiquement touchés par cette situation inimaginable. Votre douleur est notre douleur », déclarent-ils.

« Nous ne pouvons qu'espérer qu'au fil du temps, nous serons unis par le même objectif de réduire les causes de tels crimes violents », poursuit le texte.

Le dossier de Marc Wabafiyebazu revient devant la cour le 8 avril.

Un avocat fort de plusieurs victoires

L'avocat qui représente le fils de la consule canadienne est natif de Montréal. Il s'est fait connaître en Floride par des victoires remarquables devant les tribunaux. Curt D. Obront a déjà fait annuler la condamnation à mort d'un homme qui attendait son exécution. Dans un autre dossier, il a obtenu que le gouvernement soit condamné à verser un dédommagement de 700 000 $ à son client qui avait été impliqué dans un accident de la route avec un fonctionnaire du recensement. Le client était ivre et roulait à une vitesse excessive sur une motocyclette volée lors de l'accident, mais il avait remporté la victoire contre l'État en cour, grâce à l'habileté de son avocat.