L'Afghanistan et les États-Unis ont affirmé lundi le caractère «durable» de leur amitié au premier jour de la visite d'Ashraf Ghani à Washington, mais le président afghan s'est montré discret sur une éventuelle présence militaire américaine après 2016.

Le secrétaire d'État John Kerry s'est félicité des «discussions fructueuses» avec le président afghan M. Ghani et le chef de l'exécutif Abdullah Abdullah qui «mettent en relief le caractère durable de cette amitié», lors d'une conférence de presse à Camp David.

M. Ghani, dont c'est la première visite aux États-Unis depuis son élection l'an dernier, a abondamment remercié Washington pour son engagement dans le pays, mais a laissé à Barack Obama, qui le recevra mardi, le soin d'exposer sa vision sur la présence militaire américaine en Afghanistan après 2016.

«La question du nombre doit être tranchée par le président des États-Unis, et cette décision sera prise par Obama», a déclaré Ashraf Ghani.

Quelque 14 ans après l'invasion du pays, et un conflit qui a tué plus de 2300 soldats américains, les États-Unis ont mis un point final à la mission «Enduring Freedom», mais 10 000 troupes sont maintenues sur place.

Ce chiffre doit descendre à 5.500 d'ici décembre pour un retrait complet d'ici à la fin 2016, mais M. Ghani et les responsables militaires américains souhaiteraient que ce rythme soit ralenti.

Et la Maison Blanche évoque désormais une «flexibilité» sur ce rythme, en particulier sur le calendrier de fermeture des différentes bases américaines dans le pays. Mais l'échéance de «fin 2016, début 2017 (...) n'a pas changé», assure Josh Earnest, porte-parole du président américain.

Soucieux de ne pas imposer un calendrier et, plus globalement, de marquer la différence avec son prédécesseur Hamid Karzaï, Ashraf Ghani a promis, lundi matin au Pentagone, que son pays ne serait pas un «fardeau» pour les États-Unis.

Il a expliqué être venu «pour dire merci au nom de la nation reconnaissante aux personnes dans ce bâtiment et plus largement à la communauté américaine pour leur continuel sacrifice depuis le 11-Septembre pour nous apporter liberté et espoir».

Et, comme pour lui faire écho, le secrétaire à la Défense Ashton Carter a assuré, lors de la conférence de presse de Camp David, que les États-Unis gardaient «un engagement inébranlable dans un partenariat stratégique et fort avec l'Afghanistan».

M. Carter a annoncé à cet égard que son département allait solliciter auprès du Congrès américain des financements jusqu'en 2017 pour s'assurer que l'armée afghane conserve le même nombre de soldats, soit 352 000.

Le Congrès, puis l'ONU à New York 

M. Ghani doit s'exprimer mercredi devant le Congrès américain réuni au grand complet, puis rejoindre New York jeudi pour des rencontres aux Nations unies.

Sa visite comprend aussi un important volet économique, mais «il ne faut pas s'attendre à l'annonce du déblocage de nouveaux fonds pour l'Afghanistan», assure Dan Feldman, représentant spécial américain pour l'Afghanistan et le Pakistan.

Sur le plan politique, l'exécutif américain évoque des progrès «lents mais quantifiables» à Kaboul.

Soucieux de montrer sa détermination à avancer, M. Ghani a publié samedi soir une nouvelle liste de 16 noms pour compléter son gouvernement.

Mais la tâche est loin d'être achevée. A l'approche de la «saison des combats» entre les forces de sécurité afghanes et les insurgés talibans, le portefeuille crucial de la Défense n'a toujours pas été attribué. Et M. Ghani a reconnu samedi que le printemps serait «difficile».

Les dirigeants afghans ont multiplié ces dernières semaines les contacts diplomatiques pour créer les conditions pour des discussions avec les talibans.

Depuis son arrivée au pouvoir en septembre, M. Ghani a mis l'accent sur l'amélioration des relations avec le Pakistan voisin, partenaire clé dans ce processus. La relation entre ces deux pays «s'est considérablement renforcée au cours des six derniers mois», souligne M. Feldman, qui salue cette avancée importante pour aller vers «plus de stabilité dans la région».

Les talibans afghans continuent de poser leurs propres conditions à la paix, avec pour préalable le retrait total des soldats étrangers toujours présents dans le pays.

Les djihadistes du groupe État islamique devraient également s'inviter au menu des discussions. Nombre d'observateurs redoutent que l'EI ne profite du départ des soldats occidentaux et de l'instabilité persistante dans de nombreuse zones du pays pour y prendre pied.

M. Ghani a reconnu l'existence de cette menace, soulignant que la caractéristique de l'EI, «l'une des organisations les mieux financées», était «d'avaler ses concurrents».