Le Sénat américain pourrait approuver mardi l'oléoduc Keystone XL entre le Canada et les États-Unis lors d'un vote qui se jouera à quelques voix, mais le président, Barack Obama, semblait prêt à opposer son veto en cas d'adoption.

«Je soumets ce texte en sachant dans mon coeur que nous avons 60 voix», a déclaré, optimiste, la sénatrice démocrate de Louisiane Mary Landrieu, qui mène la charge avec le sénateur républicain John Hoeven pour que le Congrès donne unilatéralement son feu vert au projet, soutenu par Ottawa, mais suspendu aux délibérations de l'administration Obama depuis six ans.

Au moins 59 sénateurs (les 45 républicains et 14 démocrates) ont annoncé leur soutien à la proposition de loi et le mystère demeure sur l'identité d'un indispensable soixantième sénateur. Le vote du Sénat est prévu à 17h00 (heure de Montréal).

«Je ne m'attends pas à ce que cela échoue», a déclaré dans une litote le chef des démocrates du Sénat, Harry Reid. D'autres élus se disaient en revanche incapables de prédire l'issue du vote.

La Chambre des représentants a déjà voté en faveur de Keystone XL vendredi. En cas d'adoption par le Sénat, il reviendra à Barack Obama de promulguer la loi ou d'opposer son veto, cette dernière option étant très probable.

«C'est une mesure que le président ne soutient pas, car le président estime que c'est une décision qui revient au département d'État et doit dépendre du processus habituel pour les projets comme celui-ci», a déclaré Josh Earnest, porte-parole de la Maison-Blanche, sans prononcer le mot de veto.

Barack Obama a indiqué à de multiples reprises qu'il souhaitait attendre le résultat d'un recours porté contre le tracé auprès de la justice de l'État du Nebraska, dans le centre du pays, où le futur oléoduc doit aboutir et se connecter au réseau existant.

Pour surmonter un veto présidentiel, chaque chambre du Congrès doit voter aux deux tiers pour sauver la loi, un seuil inatteignable par les partisans de Keystone XL.

Arrière-pensées électorales

L'oléoduc de la société canadienne TransCanada doit permettre d'acheminer du brut depuis les sables bitumineux de l'Alberta, au Canada, jusqu'aux raffineries américaines du Golfe du Mexique, via un nouveau tronçon de 1900 km jusqu'au Nebraska.

TransCanada attend depuis 2008 un feu vert du département d'État, en raison d'études d'impact environnemental et de procédures judiciaires qui s'éternisent.

Les républicains sont unanimes à soutenir le projet, synonyme de création d'emplois et d'indépendance énergétique.

Mais le camp démocrate y est majoritairement hostile, en raison des risques de fuites, mais, surtout, car le processus d'extraction des sables bitumineux est plus énergivore que les pétroles traditionnels.

«Attendez une minute», a lancé la démocrate Barbara Boxer, élue de Californie, lors des débats dans l'hémicycle, devant une affiche proclamant que les sables bitumineux étaient synonymes de «malheur». «Est-on vraiment prêts à dire aux Américains que nous voulons donner un coup de main aux sables bitumineux?»

Barack Obama a aussi souligné que le projet de 5,3 milliards de dollars ne créerait pas une manne d'emplois aux États-Unis, à part pendant la durée du chantier, et qu'il ne permettrait pas de faire baisser le prix de l'essence américaine, car, selon lui, le pétrole raffiné sera majoritairement exporté.

La précipitation à programmer le vote, la semaine dernière, s'explique par une urgence électorale: Mary Landrieu tente de conserver son siège lors du second tour de la sénatoriale de Louisiane le 6 décembre et veut pouvoir dire à ses électeurs qu'elle défend leurs intérêts économiques. Les démocrates, qui contrôlent le Sénat jusqu'en décembre, refusaient depuis plusieurs années de procéder à ce vote, synonyme de confrontation avec la Maison-Blanche.

Le tracé de Keystone XL ne passe pas par la Louisiane, mais l'État dépend fortement du secteur pétrolier du Golfe du Mexique, et donc indirectement de l'oléoduc.

L'adversaire républicain de Mary Landrieu, Bill Cassidy, est l'auteur du texte identique adopté par la Chambre.