Le chef du Pentagone Chuck Hagel s'est défendu mercredi avec vigueur, assurant avoir pris «la bonne décision» face à la polémique sur les conditions de l'échange à l'insu du Congrès du sergent Bowe Bergdahl contre cinq cadres talibans.

L'administration du président Barack Obama, qui présentait le 31 mai la libération du seul prisonnier de guerre américain comme une grande victoire, a depuis été mise sur la défensive, accusée d'avoir plié devant les talibans pour un soldat qui pourrait bien avoir déserté avant sa capture.

A cinq mois des élections, le Congrès est ulcéré. Il accuse l'exécutif d'avoir créé un dangereux précédent en négociant avec des preneurs d'otages et surtout d'avoir violé la loi, en n'informant pas le Congrès 30 jours à l'avance du transfèrement de cinq détenus de Guantanamo.

Face aux élus de la commission des Forces armées de la Chambre des représentants, le secrétaire à la Défense a vertement répondu: «Nous avons pris la bonne décision et l'avons prise pour les bonnes raisons: ramener à la maison l'un des nôtres».

«Nous avons respecté la loi et nous avons fait ce que croyons être dans le meilleur intérêt de notre pays, de notre armée et du sergent Bergdahl», a-t-il ajouté, rappelant que la question d'une éventuelle désertion était «détachée» de la nécessité de récupérer un soldat prisonnier et fera l'objet d'une enquête.

En temps de guerre, «les choix difficiles ne s'intègrent pas parfaitement dans des instructions clairement définies dans les manuels d'utilisation», a-t-il soutenu sur un ton combatif, loin de sa désastreuse prestation lors de son audition de confirmation devant les sénateurs début 2013.

«Dangereux précédent» 

«Peu d'entre vous dans cette commission ont l'expérience de la guerre et l'ont vue de près», s'est même permis le chef du Pentagone, ancien sergent ayant combattu au Vietnam.

Sur le fond, Chuck Hagel a défendu la décision de ne pas informer le Congrès par la nécessité d'aller vite et d'éviter «toute fuite qui pourrait faire dérailler l'accord et mettre davantage en danger le sergent Bergdahl».

D'autant que le Congrès avait déjà été informé en novembre 2011 de la possibilité de libérer ces cinq cadres talibans, à l'occasion de précédentes négociations infructueuses avec les talibans, a-t-il rappelé.

«Vos actions montrent que vous ne faites pas confiance au Congrès», a accusé le républicain Mike Conaway, le ministre se défendant de n'avoir «jamais dit» cela.

«Ce n'était pas simplement un transfèrement de détenus, mais une opération militaire très risquée et avec une fenêtre d'opportunité très limitée que nous ne voulions pas compromettre», a encore plaidé Chuck Hagel, en détaillant les discussions par l'intermédiaire du Qatar.

Les républicains ne manquent pas de rappeler qu'au printemps 2011, l'administration Obama avait informé les responsables du Congrès de l'opération à venir contre Oussama ben Laden.

Ils accusent également l'administration Obama d'avoir remis en liberté cinq dangereux ennemis et d'avoir, selon le président républicain de la commission, Buck McKeon, «créé un dangereux précédent en négociant avec les terroristes».

Ce n'est pas une première, a rétorqué le juriste en chef du Pentagone, Stephen Preston: en 1993, Michael Durant, un pilote d'hélicoptère Blackhawk abattu à Mogadiscio et ensuite fait prisonnier avait fait l'objet d'un «arrangement discret» avec le chef de guerre Mohammed Aïdid.

Quant à la remise en liberté de dangereux ennemis, Chuck Hagel a rappelé que l'accord avec le Qatar, où les cadres talibans ont été transférés, prévoit pendant un an leur surveillance, l'interdiction de voyager et d'autres mesures classifiées.

«Et si jamais l'un de ces détenus tentait de reprendre le combat, il le ferait à son propre péril», a-t-il mis en garde.

Lors de cette audition marathon, les élus se sont gardés d'évoquer la question de l'éventuelle désertion de Bergdahl, alors que 73% des Américains sont favorables à des poursuites à l'encontre du sergent Bergdahl s'il a déserté, selon un sondage ABC/Washington Post.

Le mystère continuait de planer sur le caractère du jeune homme, engagé dans les garde-côtes en 2006 mais remis à la vie civile au bout de 26 jours en raison d'un «échec à s'adapter à la vie militaire», a par ailleurs confié à l'AFP un responsable de la Défense.