Lundi matin, l'ancien gouverneur démocrate de Louisiane, Edwin Edwards, 86 ans bien sonnés, est arrivé à une conférence de presse très courue par les médias de Baton Rouge, capitale de l'État, en poussant devant lui une poussette dans laquelle se trouvait Eli, son petit dernier, né il y a sept mois.

Le «renard argenté», comme il est surnommé, était également accompagné par la mère de l'enfant, sa troisième femme, Trina, une blonde sculpturale âgée de 35 ans.

Les trois formaient un tableau comme seule la Louisiane peut en produire.

«Je n'ai pas reçu autant d'attention depuis le procès», a déclaré d'entrée Edwin Edwards, qui a été condamné à 10 ans de prison en 2001 pour corruption et extorsion.

Le «prince cajun» (un autre de ses surnoms) a profité du moment pour, également, mettre fin aux conjectures sur son avenir politique: dix-huit ans après son troisième et dernier mandat au poste de gouverneur de Louisiane et trois ans après sa sortie de prison, il briguera en novembre un siège à la Chambre des représentants des États-Unis dans une circonscription de Baton Rouge.

Réputation

Et comment cette annonce a-t-elle été accueillie en Louisiane, où Edwin Edwards n'a jamais fait mentir sa réputation de bon vivant, joueur, coureur de jupons et politicien à l'éthique douteuse?

«Avec un mélange d'amusement, de résignation et de dégoût», a répondu à La Presse G. Pearson Cross, politologue à l'Université de Louisiane à Lafayette.

«Certaines personnes rigolent à l'idée que cette relique de la politique louisianaise soit de retour. Certaines personnes se résignent en disant «bien, il peut se présenter s'il le veut». Et d'autres personnes pensent que c'est affreux et dégoûtant de voir s'agiter de nouveau ce criminel qui a déjà torturé l'État et qui le traînera encore dans la boue.»

Comme la plupart des observateurs, le professeur Cross ne croit guère aux chances d'Edwin Edwards d'être élu à la Chambre des représentants, où il a déjà siégé dans les années 60. La 6e circonscription de Louisiane, où il se présente, a l'habitude d'envoyer à Washington des républicains. Elle est vacante depuis que le représentant Bill Cassidy a décidé de briguer un siège au Sénat des États-Unis.

Cela étant, Edwin Edwards pourrait très bien finir premier ou deuxième dans la primaire non partisane qui précédera le scrutin de novembre. Si aucun des candidats ne parvient à recueillir plus de 50% des voix, un second tour aura lieu entre les deux qui en auront récolté le plus.

«Edwards est le seul démocrate dans une course où plusieurs candidats se diviseront le vote républicain. Il y a donc fort à parier qu'il se qualifiera pour le deuxième tour», a confié Bob Mann, politologue à l'Université d'État de Louisiane.

Un tel scénario ne manquerait pas d'attirer en Louisiane les médias nationaux et peut-être même internationaux, comme cela s'était vu en 1991. Cette année-là, Edwin Edwards briguait son troisième mandat au poste de gouverneur. Au second tour, il faisait face au républicain David Duke, ex-grand sorcier des chevaliers du Ku Klux Klan de Louisiane.

Edwin Edwards avait triomphé malgré les affaires de corruption qu'il traînait déjà. Sur les pare-chocs de plusieurs voitures, un autocollant résumait bien l'attitude des électeurs de Louisiane face au choix auquel ils étaient réduits: «Votez pour l'escroc. C'est important.»

Téléréalité

Dix ans plus tard, Edwin Edwards a fini par être reconnu coupable d'avoir reçu des pots-de-vin en échange de l'octroi de permis pour l'ouverture de casinos en Louisiane. À peine sorti de prison, en 2011, il a épousé Trina, avec laquelle il a tenu la vedette dans une émission de téléréalité diffusée sur la chaîne câblée A&E à l'automne 2013.

Dans le premier épisode de The Governor's Wife, Edwin et Trina décident d'avoir un enfant, qui sera conçu en utilisant le sperme congelé 10 ans plus tôt par l'ancien gouverneur. L'émission a été retirée du programme après trois semaines, faute d'intérêt de la part des téléspectateurs.

Populiste dans la lignée de Huey Long, autre gouverneur légendaire de Louisiane, Edwin Edwards a longtemps compté sur l'appui massif des Noirs, qui représentent aujourd'hui 32% de l'électorat de l'État. Or, dans la 6e circonscription, il fera face à un électorat composé de 75% de Blancs.

D'où les positions plus conservatrices qu'il a énoncées lors de sa conférence de presse de lundi. Il s'est notamment dit partisan de la construction du projet d'oléoduc Keystone XL et opposé à la réforme de la santé de Barack Obama telle qu'elle a été adoptée en 2010.

«Ce n'est pas que je suis contre l'objectif de la loi, mais elle est trop chargée de pièges et de dangers inconnus», a déclaré le renard argenté.

Cinq citations mémorables d'Edwin Edwards

1983

«La seule façon dont je peux perdre est si je suis surpris au lit avec une fille morte ou un garçon vivant.»

1983

«David Treen est tellement lent que ça lui prend une heure et demie pour regarder 60 Minutes.» (À propos de son adversaire dans la course au poste de gouverneur.)

1991

«La seule chose que David Duke et moi avons en commun est que nous sommes des sorciers sous les draps.» (À propos de l'ex-grand sorcier du Ku Klux Klan.)

1991

«Non, cela ne s'est pas passé comme ça. Il [le journaliste] était parti lorsque la dernière est arrivée.» (À propos d'un article selon lequel il aurait couché avec six femmes au cours de la même nuit.)

2002

«Je serai un prisonnier modèle comme j'ai été un citoyen modèle.» (Avant de commencer à purger une peine de 10 ans de prison pour corruption et extorsion.)