Trois ans après avoir succédé à Arnold Schwarzenegger au poste de gouverneur de Californie, Jerry Brown peut se targuer d'avoir remis sur ses rails un État jugé ingouvernable. À la veille de ses 76 ans, ce politicien semble avoir renoncé pour de bon à la présidence. Mais il vient d'annoncer son intention de solliciter en novembre son quatrième mandat, du jamais vu en Californie. Quel est donc le secret de sa réussite?

En 1976, un célèbre chroniqueur de Chicago lui a donné un surnom qui allait longtemps lui coller à la peau: «Governor Moonbeam». Ce «rayon de lune» ne faisait pas seulement référence à la jeunesse et à l'idéalisme du gouverneur de la Californie, élu à l'âge de 37 ans, mais également à son excentricité.

Quatre décennies plus tard, Jerry Brown est à nouveau gouverneur de l'État le plus populeux des États-Unis. Après un long détour qui lui a notamment permis d'aller au Japon pour étudier le bouddhisme et en Inde pour aider mère Teresa, cet ancien séminariste et amant de plusieurs divas de la chanson et du cinéma (dont Linda Ronstadt, Barbara Streisand et Liv Ullmann) a en effet été réélu en novembre 2010 à ce poste qui a également été celui de son père Pat.

Mais le «rayon de lune» a acquis un nouveau titre - «sauveur de la Californie» - , ayant réussi là où son prédécesseur, Arnold Schwarzenegger, avait échoué.

Après avoir hérité d'un déficit colossal de 26 milliards de dollars de l'ancien acteur tout en muscles, il a pu s'enorgueillir au début de l'année d'un surplus budgétaire de 4,6 milliards de dollars.

Et, la semaine dernière, il a annoncé son intention de briguer en novembre son quatrième mandat au poste de gouverneur, du jamais vu en Californie. Avec 17 millions de dollars dans sa caisse électorale et près de 60% d'opinions favorables dans les sondages, il est en excellente position pour réussir ce pari.

Le secret de la réussite

Mais quel est donc le secret de la réussite de ce démocrate âgé de 75 ans qui a brigué en vain la présidence des États-Unis en 1976, 1980 et 1992?

«Une partie du succès de la Californie sous Jerry Brown n'a rien à voir avec Jerry Brown», répond d'emblée Larry Gerston, politologue à l'Université d'État de San Jose, lors d'un entretien téléphonique avec La Presse.

«Cela tient davantage à la nature cyclique de l'économie californienne. Quand les choses vont mal ici, elles vont encore plus mal qu'ailleurs. Quand les choses vont bien, elles vont encore mieux qu'ailleurs. Et Brown a eu la chance de se faire élire au moment où la reprise commençait à se faire sentir en Californie.»

Le «sauveur de la Californie» a également profité de la collaboration des deux chambres du Parlement de l'État, où les démocrates jouissent de super majorités. Il a pu ainsi faire adopter au début de son mandat des mesures d'austérité qui ont permis à la Californie d'éviter la faillite.

Mais son plus grand succès personnel est sans contredit l'adoption, par voie référendaire, de la «proposition 30» en novembre 2012. Dans un État ayant donné naissance à une révolte fiscale en 1978, les électeurs étaient appelés à se prononcer sur la proposition du gouverneur Brown d'augmenter temporairement la taxe sur les ventes et, plus durablement, l'impôt sur le revenu des riches. Le tout pour financer les écoles et collèges publics de l'État, réduits à la portion congrue depuis des années.

«Personne ne pensait que la proposition 30 passerait, sauf Jerry Brown, dit Larry Gerston. Et la raison pour laquelle il a obtenu l'appui du public tient au fait qu'il a forcé l'État à vivre selon ses moyens. Nous n'avions pas vu une telle chose depuis longtemps.»

Parcours imparfait

Jerry Brown n'a évidemment pas réussi un parcours sans faute depuis le début de son troisième mandat. Son grand projet de construire un train à grande vitesse reliant San Francisco à Los Angeles est tombé en panne. Et sa proposition de construire deux grands tunnels pour transférer davantage d'eau du nord vers le centre et le sud d'un État assoiffé ne décolle pas.

Il n'a également pas encore attaqué de front le problème aigu du financement des retraites de la fonction publique et celui des inégalités.

Mais le septuagénaire a bel et bien fait mentir les critiques de son État selon lesquels la Californie était devenue ingouvernable, une autre Grèce et surtout pas un exemple à suivre.

«Quel retour cela a été!», s'est-il exclamé en janvier lors de son discours annuel sur l'état de l'État, avant d'énumérer quelques-uns des succès de la Californie sous sa gouverne: «Un million de nouveaux emplois depuis 2010, un surplus budgétaire dans les milliards et un salaire minimum qui grimpe à 10$ de l'heure!»

De quoi faire rougir d'envie Arnold.

Jerry Brown en six temps

1975

Premier de deux mandats consécutifs au poste de gouverneur de Californie

1988

Séjour à Calcutta pour nourrir les pauvres et les mourants aux côtés de mère Teresa

1992

Troisième campagne malheureuse à la présidence des États-Unis

1999

Premier de deux mandats à la mairie d'Oakland

2007

Premier et unique mandat au poste de ministre de la Justice de Californie

2011

Troisième mandat au poste de gouverneur de Californie