Même si l'administration américaine parvient à vider les geôles de Guantanamo des détenus qu'elle juge libérables, comme le Congrès s'apprête à l'autoriser, la fermeture de la prison controversée semble toujours hors de portée de Barack Obama.

Le compromis, que des élus des deux côtés de l'échiquier politique ont conclu lundi soir au Congrès, «ne ferme pas Guantanamo et est loin de le faire», a commenté pour l'AFP James Connell, avocat devant les tribunaux militaires d'exception de Guantanamo.

«Il ne suffit pas de relâcher tous les détenus +transférables+» pour fermer la prison, explique à l'AFP Suzanne Lachelier, une avocate militaire qui intervient depuis des années dans l'enclave cubaine, car «le Congrès n'est pas disposé à céder sur les prisonniers de grande valeur».

Au terme de bientôt cinq ans de présidence Obama, dont la fermeture de Guantanamo était la première promesse, 162 hommes sont toujours derrière les barreaux à des dizaines de milliers de kilomètres de toute côte américaine. La très grande majorité d'entre eux sont là depuis près de douze ans, sans inculpation ni procès, une situation qui jette le discrédit sur l'image des États-Unis dans le monde.

Après le rapatriement jeudi, contre leur volonté, de deux Algériens, il reste 82 hommes «libérables» --dont plus de la moitié sont des Yéménites--selon les critères de l'administration Obama, c'est-à-dire que les autorités n'ont rien pu prouver contre eux.

En ouvrant «la voie aux transfèrements à l'étranger», l'accord scellé au Congrès constitue, s'il est adopté par la Chambre et le Sénat, «une première étape pour démêler le noeud de Guantanamo», s'est félicité Dixon Osburn de Human Rights First.

«Si les «transférables» sont relâchés, l'injustice paraîtra moins forte» aux yeux du monde, admet Suzanne Lachelier, qui plaide pour l'un des accusés du 11-Septembre. «Mais les principaux problèmes de Guantanamo -- la détention illimitée, une justice de seconde classe et des soins médicaux inappropriés -- resteront», renchérit James Connell, qui défend un autre de ces cinq détenus de «grande valeur».

Un pas en avant, un pas en arrière

Enfermés dans le camp 7, une prison érigée dans le plus grand secret sur les collines de Guantanamo, une vingtaine d'hommes, accusés de liens avec Al-Qaïda ou des pires attentats meurtriers, comme ceux du 11 septembre 2001, sont qualifiés de «grande valeur» par le Pentagone. Leurs propos sont classés «secret défense», car certains sont passés par les prisons secrètes de la CIA, où ils auraient subi des tortures.

D'autres sont soupçonnés de toujours représenter un risque pour la sécurité nationale des États-Unis.

Certains d'entre eux, dont le dossier est actuellement passé au crible, pourraient être sortis de cette catégorie, facilitant leur libération, mais un total de 80 hommes sont pour l'heure condamnés à rester à Guantanamo.

Car, les républicains du Congrès continuent d'empêcher le transport aux États-Unis de ces prisonniers, encore considérés comme les «pires des pires», même pour y être jugés et enfermés dans des pénitenciers de haute sécurité.

Ces restrictions de transfèrement sur le sol américain représentent «un terrible camouflet pour les droits de l'homme», a fustigé Steven Hawkins, directeur d'Amnesty International USA.

Considérant le texte du Congrès comme «un pas en avant et un pas en arrière sur Guantanamo», il exhorte «le président Obama à trouver une solution pour mettre fin à la crise de Guantanamo».

«Au moment où le Congrès avance lentement dans la bonne direction sur les transfèrements, l'administration Obama a fait deux pas de géant en arrière la semaine dernière en rapatriant de force, en Algérie, deux hommes qui craignent des persécutions», a déploré Wells Dixon, l'avocat de l'un de ces deux ex-prisonniers.

Rob Kirsch, le défenseur du deuxième Algérien rapatrié, fustige aussi ces transfèrements «irresponsables», entrepris dans l'urgence, à la veille du vote d'une nouvelle loi.

«Il est clair que l'émissaire spécial (responsable des transfèrements) a poussé dehors des gens qui préféraient rester à Guantanamo, plutôt que de partir dans ces conditions», explique-t-il à l'AFP.

Ian Moss, conseiller de l'émissaire Cliff Sloan, a dit «comprendre les critiques», mais a réitéré «l'engagement absolu» de son administration «à fermer Guantanamo, de manière responsable».