Le président américain Barack Obama a franchi mercredi un cap au Congrès dans son projet de frappes militaires contre la Syrie, Washington et Paris s'efforçant de bâtir une coalition internationale contre Damas accusé d'avoir perpétré un massacre aux armes chimiques.

Au moment où les États-Unis ont ouvert un grand débat parlementaire sur la décision de principe de M. Obama d'agir militairement contre la Syrie, le président russe Vladimir Poutine a mis en garde Washington face à une possible «agression» contre son allié syrien «en dehors du cadre de l'ONU».

Mais le gouvernement américain a passé mercredi une première étape en vue de concrétiser son éventuelle opération militaire: la commission des Affaires étrangères du Sénat a approuvé de justesse --par dix voix contre sept-- une résolution autorisant M. Obama à déclencher une intervention «limitée» contre le régime du président syrien Bachar al-Assad, d'une durée maximale de 60 jours avec la possibilité de la prolonger à 90 jours, sans troupes au sol.

La Maison Blanche s'est réjouie d'un vote qui «permettra(it) de défendre les intérêts de sécurité nationale des États-Unis, en affaiblissant les capacités d'Assad à utiliser des armes chimiques et en dissuadant le recours à ces armes à l'avenir».

Avant ce premier succès, M. Obama s'était exprimé depuis la Suède, martelant que la communauté internationale ne devait pas rester «silencieuse» face à la «barbarie» en Syrie. Il doit se rendre vendredi à Saint-Pétersbourg (Russie) pour le sommet du G20 présidé par son homologue russe.

«Crédibilité de la communauté internationale en cause»

Le président des États-Unis, qui avait lui-même tracé en août 2012 une «ligne rouge» pour dissuader Damas d'utiliser son arsenal chimique, a assuré que «le monde entier» s'était fixé une telle limite, en ratifiant des conventions internationales interdisant l'usage d'armes chimiques.

«Ce n'est pas ma crédibilité qui est en cause. La crédibilité de la communauté internationale est en cause, et la crédibilité des États-Unis et du Congrès est en cause», a insisté le président, qui avait réclamé samedi du Congrès un feu vert pour frapper la Syrie.

La résolution américaine doit être examinée la semaine prochaine par le Sénat (à majorité démocrate) en séance plénière et par la Chambre des représentants (à majorité républicaine).

L'issue des votes des deux chambres du Congrès reste incertaine.

Pour l'emporter, M. Obama a envoyé au front devant les parlementaires son secrétaire d'État John Kerry. Il a bataillé pendant des heures mardi et mercredi devant les commissions des Affaires étrangères des deux chambres pour les convaincre d'agir contre le régime Assad, comparé à «Hitler et Saddam Hussein» pour avoir «gazé» des civils.

L'attaque chimique du 21 août près de Damas, attribuée au régime syrien, a fait 1.429 morts selon Washington. Mais ce bilan très élevé pourrait être dû à une «erreur» de dosage, selon les services secrets allemands, cités par Der Spiegel, qui disculpent en outre la rébellion syrienne.

Devant les commission du Congrès, M. Kerry a également assuré que les États-Unis bâtissaient une coalition internationale, notamment avec la France et des pays arabes. il s'est félicité que «des pays aient exprimé leur volonté d'agir», citant «l'Arabie saoudite, les Emirats, les Qataris, les Turcs, les Français (...) la Pologne et le Danemark».

D'après lui, sur la centaine de gouvernements avec lesquels Washington a communiqué ces deux dernières semaines, 57 ont reconnu que Damas avait utilisé des armes chimiques.

Paris, propulsé au rang de premier allié des Américains depuis le forfait britannique, a affiché la même détermination.

«Nous voulons à la fois sanctionner et dissuader, répondre à cette atrocité pour éviter qu'elle ne se reproduise», a lancé le Premier ministre Jean-Marc Ayrault devant le parlement français. «Ne pas réagir serait mettre en danger la paix et la sécurité de la région tout entière», a plaidé le chef du gouvernement français, affirmant que Paris «comptait sur le soutien» des Européens et de la Ligue arabe.

Damas a vivement répliqué à Washington et à Paris.

D'après le vice-ministre des Affaires étrangères Fayçal Moqdad, «le gouvernement syrien ne changera pas de position même s'il y a une troisième guerre mondiale».  «La Syrie a pris toutes les mesures pour riposter à une telle agression» et «mobilise ses alliés» comme la Russie et l'Iran, a-t-il affirmé.

«Conséquences catastrophiques»

L'allié russe, par la voix du président Poutine, a d'ailleurs prévenu qu'un feu vert du Congrès américain «autoriserait une agression, car tout ce qui se fait en dehors du Conseil de sécurité de l'ONU est une agression, à l'exception de l'autodéfense».

Et le ministère russe des Affaires étrangères a lancé une mise en garde pour la sécurité nucléaire de la région. «La chute d'un projectile militaire sur le mini-réacteur situé dans la banlieue de Damas pourrait avoir des conséquences catastrophiques: une possible contamination des territoires aux alentours par de l'uranium hautement enrichi et d'autres produits radioactifs», a déclaré le porte-parole du ministère, Alexandre Loukachevitch.

Par ailleurs, M. Poutine a assuré que Moscou avait suspendu ses livraisons à Damas de batteries sol-air S300, des systèmes de défense antiaérienne et antimissile perfectionnés. Mais les navires de guerre russes en Méditerranée sont «capables de réagir» en cas d'escalade du conflit, a déclaré à Interfax une source de l'état-major russe.

Les États-Unis disposent en Méditerranée de quatre destroyers équipés de missiles de croisière.

Sur le terrain, des rebelles islamistes se sont emparé d'un poste militaire à l'entrée de la ville chrétienne de Maaloula, au nord de Damas. Dans les combats, l'armée fait en outre un «usage massif» d'armes à sous-munitions, selon la Coalition sur les armes à sous-munitions qui parle de «nombreuses victimes civiles».

Il y a désormais plus de deux millions de réfugiés syriens, soit huit fois plus qu'il y a un an, selon le Haut commissariat pour les réfugiés (HCR) de l'ONU. En comptant les déplacés, six millions de personnes sont déracinées. Le conflit a fait plus de 110 000 morts en deux ans et demi selon une ONG.

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