Les conservateurs américains ont un nouveau héros, le sénateur du Kentucky Rand Paul, qui a récemment été traité d'«oiseau dingo» par son collègue républicain John McCain.

Ils ont aussi une nouvelle bête noire - le stratège Karl Rove, architecte des victoires électorales de George W. Bush -, dont le nom a été hué ce week-end à l'occasion de la Conservative Political Action Conference (CPAC), conférence annuelle réunissant dans la région de Washington bonzes et militants de la droite américaine.

Samedi soir, à l'issue de cette grand-messe conservatrice, Rand Paul a gagné le scrutin organisé pour déterminer le candidat préféré des militants en vue de l'élection présidentielle de 2016. Le fils de l'ancien représentant du Texas Ron Paul a devancé de peu son jeune collègue de la Floride, Marco Rubio, et de beaucoup les autres candidats en lice, dont le gouverneur du New Jersey Chris Christie et le représentant du Wisconsin Paul Ryan.

Divisions

Quatre mois après l'élection présidentielle de novembre 2012, l'ascension de Rand Paul et les ennuis de Karl Rove illustrent les divisions qui déchirent le Parti républicain. Âgé de 50 ans, le sénateur du Kentucky représente les adeptes du Tea Party et les partisans libertariens de son père, qui reprochent notamment au président et à ses alliés du Congrès de bafouer la Constitution américaine.

Karl Rove incarne l'establishment républicain, qui cherche à éviter au parti d'autres candidats à la Todd Akin et Richard Mourdock. En novembre dernier, ces favoris du Tea Party ont perdu des élections sénatoriales dans des États plutôt conservateurs (le Missouri et l'Indiana) après avoir tenu des propos bizarres ou révoltants sur le viol.

Pour qu'un tel scénario ne se reproduise pas, Karl Rove a créé une organisation qui promet de s'attaquer aux candidats jugés extrémistes dans les primaires républicaines pour les élections au Sénat américain. D'où les huées et les critiques entendues à son sujet lors de la CPAC.

Sarah Palin ovationnée

«La dernière chose dont nous avons besoin est que Washington sélectionne nos candidats», a lancé Sarah Palin, dont le discours plein de pointes contre Barack Obama et l'establishment républicain a été accueilli avec enthousiasme par les militants conservateurs (l'ancienne gouverneure de l'Alaska a également été ovationnée après avoir dévoilé un grand gobelet de boisson gazeuse, avec lequel elle s'est désaltérée, histoire de se moquer du maire de New York Michael Bloomberg et de sa croisade contre les sodas format géant).

Ophtalmologiste de profession, Rand Paul est la preuve vivante qu'un candidat issu du Tea Party peut être élu sans l'appui de l'establishment républicain - ce qu'il a réussi à faire en novembre 2010. Il y a deux semaines, il a rejoint Marco Rubio parmi les étoiles montantes du Parti républicain en prononçant un discours de près de 13 heures au Sénat pour bloquer la confirmation de John Brennan à la tête de la CIA et dénoncer le manque de transparence de l'administration Obama autour de son programme d'assassinats ciblés par drones.

«Je suis ici pour pousser les responsables de l'administration à admettre publiquement qu'ils ne tueront pas d'Américains qui ne sont pas combattants», a-t-il déclaré au cours de son marathon verbal.

Ces propos confinant à la paranoïa ont valu à Rand Paul d'être traité d'«oiseau dingo» par John McCain, qui a également réservé cette insulte au nouveau sénateur républicain du Texas, Ted Cruz, un autre de ses collègues issus du Tea Party.

Dans son discours à la CPAC, Rand Paul a rendu au sénateur McCain la monnaie de sa pièce, sans toutefois le nommer. «L'ancien Parti républicain est rassis et couvert de mousse», a-t-il déclaré, en appelant les militants conservateurs «à embrasser la liberté tant dans la sphère économique que dans la sphère personnelle».

La popularité soudaine de Rand Paul auprès des militants conservateurs ne lui garantit pas un succès à long terme au Parti républicain. Celui-ci finira peut-être par emprunter la voie plus modérée des gouverneurs Chris Christie, du New Jersey, ou Bob McDonnell, de la Virginie. Mais les organisateurs de la CPAC ont choisi de ne pas inviter cette année ces candidats potentiels à la Maison-Blanche en 2016.

L'ancien gouverneur de la Floride Jeb Bush est certes monté à la tribune de la CPAC pour rappeler aux militants conservateurs que le Parti républicain doit transformer son image et son approche.

«Beaucoup trop de gens pensent que les républicains sont anti-immigrés, anti-science, anti-gais, anti-travailleurs, etc., etc. Nous devons être le parti de l'inclusion et de l'accueil», a déclaré le frère du 43e président, qui n'a pas fermé la porte à une course à la Maison-Blanche en 2016.

Or, de l'avis général, le discours de Jeb Bush est tombé à plat.