En arrivant au centre de Newtown, petite ville du Connecticut entourée de collines boisées, le visiteur est accueilli par un décor digne de Norman Rockwell, l'illustrateur de l'Amérique idyllique: un grand drapeau américain flotte au sommet d'un mat; un clocher d'église pointe vers le ciel; un café avoisine un magasin général à l'ancienne.

Mais la vie de cette localité bucolique de quelque 27 000 âmes a basculé dans une horreur sans nom vers 9h30, vendredi matin. C'est l'heure où Adam Lanza est entré dans l'école primaire Sandy Hook, située au fond d'un cul-de-sac et fréquentée par environ 700 élèves de la maternelle à la quatrième année.

Armé de deux pistolets et vêtu d'une veste pare-balles, le jeune homme de 20 ans a ouvert le feu pendant quelques minutes seulement, tuant 26 personnes, dont 20 enfants âgés de 5 à 10 ans, avant de s'enlever la vie. Il a ciblé en particulier les élèves de la classe de maternelle de sa mère, Nancy Lanza, 53 ans, une institutrice de l'école qu'il a abattue dans la maison familiale à Newport avant de partir pour sa mission meurtrière.

Les armes du tireur étaient enregistrées au nom de Nancy Lanza, y compris une mitraillette semi-automatique retrouvée dans la voiture de la mère dont s'étaient servi Adam pour se rendre à l'école.

«Le mal a visité notre communauté», a déclaré le gouverneur du Connecticut Dan Malloy.

C'était le deuxième massacre le plus meurtrier perpétré dans une école aux États-Unis après celui de l'Université de Virginia Tech, qui a fait 33 morts en 2007. Mais l'âge des victimes et le lieu de la tuerie de Newtown lui conféreront sans doute une place unique dans les annales d'un pays habitué aux tueries dans les endroits qui devraient être les moins dangereux - une salle de cinéma, un lieu de culte et maintenant une école comptant une maternelle.

«Le tueur n'a pas dit un mot», a raconté en fin de journée Robert Licata, dont le garçon de 6 ans peut être considéré comme l'un des petits héros de cette horrible tragédie. «Il est entré dans la classe et a abattu l'institutrice. C'est alors que mon fils a entraîné un groupe de ses amis vers la sortie. Il a été très courageux. Il a attendu ses amis.»

Plus tôt dans la journée, le père avait retrouvé son fils à l'intérieur d'une caserne de pompiers située près de l'école. C'est là qu'avaient été évacués les survivants de la fusillade. Tout au long de la journée, des parents angoissés y sont entrés pour en ressortir soulagés ou dévastés par la nouvelle qu'ils venaient d'apprendre: leur petit garçon ou leur petite fille n'était plus.

Les corps des victimes de la tuerie, dont ceux de la principale de l'école et d'une psychologue, étaient encore dans l'établissement au moment d'écrire ces lignes.

«J'ai été témoin de plusieurs tragédies personnelles, mais je n'ai jamais vécu une journée aussi déchirante que celle d'aujourd'hui», a déclaré Robert Weiss, curé de la paroisse Ste-Rose de Lima, à Newtown, après avoir passé une bonne partie de la journée à consoler des mères et des pères éplorés.

Dans une intervention à la Maison-Blanche, un Barack Obama au bord des larmes a également exprimé vendredi une vive émotion.

«La majorité de ceux qui sont morts aujourd'hui étaient des enfants, de beaux enfants, des petits enfants âgés de 5 à 10 ans. Ils avaient la vie devant eux: des anniversaires, des diplômes, des mariages, leurs propres enfants à venir. Nos coeurs sont brisés», a dit le président en essuyant une larme.

Une dispute familiale aurait contribué à la folie meurtrière d'Adam Lanza, qui s'était distingué à la fin de ses études secondaires en obtenant son diplôme avec mention. Selon un témoignage obtenu par ABC News auprès d'un voisin des Lanza, le jeune homme faisait preuve d'un comportement «étrange» et montrait des signes de «maladie mentale».

La police n'a cependant donné aucune information sur le mobile de la tuerie.

Au moment de la fusillade, Adam Lanza portait des pièces d'identité appartenant à son frère Ryan, 24 ans, ce qui a entraîné une confusion sur l'identité du tireur. Ryan a été interpellé par les policiers à Hoboken, au New Jersey. Il n'aurait rien à voir avec la tuerie de Newtown.

Selon l'Associated Press, Ryan a déclaré aux policiers que son frère Adam souffrait d'autisme et qu'il était «troublé». Leurs parents ont divorcé il y a plusieurs années.

Des centaines de personnes se sont rassemblées hier soir dans une église méthodiste de Newtown pour participer à une vigile à la mémoire des victimes de la tuerie. Tracy Hoekenga y était. Pour prier pour les victimes et leur famille et aussi pour remercier Dieu d'avoir épargné ses deux garçons, qui ont survécu à la fusillade.

«Je ne pouvais pas respirer. Pendant 30, 45 minutes, je ne savais pas si mes gars étaient O.K.», a-t-elle déclaré à des journalistes.