Le prêcheur islamiste radical Abou Hamza et quatre autres hommes accusés de terrorisme ont brièvement comparu samedi aux États-Unis, quelques heures après avoir été extradés du Royaume-Uni au terme d'une saga judiciaire transatlantique de plusieurs années.

Au terme de cette audition, le juge fédéral de New York a décidé de maintenir  en détention les cinq hommes qui ont tous plaidé non coupable, sauf Abou Hamza qui ne s'est pas encore prononcé sur ce point.

Longue barbe et cheveux blancs rasés, moignons des deux bras dépourvus de prothèses, l'ancien imam borgne de la mosquée londonienne de Finsbury Park, ancienne figure de proue du «Londonistan» aux prêches enflammés, n'a pas dit un mot durant sa comparution devant le juge fédéral à Manhattan. Celui-ci lui a sommairement résumé les 11 chefs d'accusation retenus contre lui aux États-Unis.

En tenue de prisonnier bleu marine, Abou Hamza, 54 ans, est resté tête baissée la plupart du temps, se contentant de glisser quelques mots à une avocate commise d'office, Sabrina Shroff.

Celle-ci a demandé que soient rendues à Abou Hamza ses prothèses faisant office de mains - des photos anciennes le montraient avec un crochet - et ses chaussures spéciales, sans lesquelles «il ne peut pas vivre de manière civilisée». Elle a aussi demandé qu'il soit soigné pour son diabète.

Ses 11 chefs d'accusation aux États-Unis, où il avait été inculpé en 2004 notamment d'activités terroristes et prise d'otages au Yémen en 1998, lui seront formellement signifiés mardi. Il devrait alors plaider coupable ou non coupable.

Adel Abdul Bary, un Égyptien de 52 ans, et Khaled Al-Fawwaz, Saoudien de 50 ans, extradés avec lui, ont également comparu samedi devant le juge Frank Maas, et ont plaidé non coupable.

La justice américaine les accuse de complot avec Al-Qaïda en vue de tuer des Américains. Bary est accusé de meurtres, pour les attentats contre les ambassades américaines de Dar-es-Salaam et Nairobi en 1998, qui avaient fait 224 morts.

Les 4e et 5e accusés, Babar Ahmad, 38 ans, et Syed Talha Ahsan, 33 ans, extradés vers le Connecticut (nord-est) ont également plaidé non coupables samedi, quelques heures après leur arrivée sur le sol américain.

Des prêches enflammés suivis par Reid et Moussaoui

Babar Ahmad, un informaticien détenu sans jugement pendant huit ans en Grande-Bretagne, est accusé d'avoir créé et opéré depuis Londres avec Ahsan des sites internet qui soutenaient les talibans et «les moujahidines tchétchènes» et prêchaient le jihad.

«Azzam publications» et son réseau de sites servait de recruteur et fournissait conseils et financement, selon la justice américaine. Ahmad n'a pas été poursuivi en Grande-Bretagne pour ces faits. Mais un des sites internet était techniquement lié à une entreprise dans le Connecticut, d'où les poursuites engagées dans cet État.

Les deux hommes sont inculpés de soutien au terrorisme et complot visant à tuer des personnes à l'étranger. Ahmad est également accusé de blanchiment d'argent.

Le procureur de Manhattan, Preet Bharara, s'est réjoui de ce que ces hommes, «accusés d'être au coeur névralgique des actes terroristes d'Al-Qaïda», puissent enfin être traduits en justice. Ils risquent la prison à vie.

Ils ont été extradés de Grande-Bretagne après le rejet d'un ultime recours devant la Haute Cour de justice de Londres.

Abou Hamza, né en Égypte et naturalisé Britannique, est accusé d'avoir contribué à l'enlèvement de 16 touristes dont deux Américains au Yémen en 1998. Quatre avaient été tués lors d'une opération militaire pour les libérer.

Il est également accusé d'avoir été impliqué dans un projet de camp d'entraînement dans le nord-ouest aux États-Unis en 1999, et d'avoir aidé à financer des candidats au jihad désireux de se rendre en Afghanistan.

Ses prêches enflammés avaient en leur temps été suivis à Londres par le Britannique Richard Reid, emprisonné à vie aux États-Unis pour avoir voulu faire exploser un avion avec des chaussures piégées en décembre 2001.

Le Français Zacarias Moussaoui, également condamné à la réclusion à perpétuité aux États-Unis en liaison avec les attentats du 11-Septembre, serait lui aussi allé l'écouter.