Un millier de familles d'enfants et d'adolescents incarcérés aux États-Unis ont dénoncé, dans un rapport, un système judiciaire « détraqué » qui, de l'école à la prison, pénalise les mineurs de couleur et compromet leur réinsertion.

« Plus de deux millions d'enfants sont arrêtés tous les ans aux États-Unis et le nombre continue d'augmenter en dépit d'une baisse du taux de véritables infractions pénales », souligne cette enquête publiée lundi par l'organisation « Justice for families » et l'institut de recherche DataCenter.

« À chaque étape du système judiciaire des mineurs, de l'école à l'arrestation, des tribunaux, à la liberté conditionnelle, jusqu'à l'incarcération, les jeunes de couleur sont confrontés à des préjugés inconscients de la part des professionnels de ces institutions », peut-on lire dans le rapport. « Ces préjugés inconscients, couplés à une inégalité structurelle, conduit un nombre disproportionné de jeunes de couleur dans le système ».

Plus de la moitié des 685 000 personnes arrêtées par la police de New York en 2011 étaient âgées de 14 à 24 ans et 87 % d'entre elles étaient noires ou hispaniques.

Ce rapport de 56 pages réunit des statistiques ainsi que les témoignages de plus d'un millier de familles et de proches de mineurs incarcérés ou sortis de prison, en majorité des Noirs aux revenus faibles.

« La justice des mineurs est pleine d'idées fausses et de stéréotypes sur les jeunes et leurs familles », a déclaré Grace Bauer, co-directrice de « Justice for Families », dont le fils a été écroué à l'âge de 14 ans. « Il est temps maintenant de réparer ce système détraqué », a-t-elle ajouté, dans un communiqué.

Le rapport précise que « la majorité du budget » pour la justice des mineurs sert à l'incarcération, à environ 5,7 milliards de dollars par an au niveau national.

« Le goulot de l'école à la prison » montre une tendance nationale à pousser les enfants hors de l'école, particulièrement les gens de couleur et de faibles revenus, en direction du système pénal, ajoute le rapport qui blâme en particulier une politique de « tolérance zéro » dans l'éducation.

Près d'une famille interrogée sur trois rapporte que la première arrestation a eu lieu à l'école.

Le nombre d'exclusions de l'école a doublé au niveau national depuis les années 70, tandis que le personnel chargé de l'ordre et de la sécurité dans l'éducation a augmenté de 38 % entre 1997 et 2007, souligne le rapport.

Quelque 91 % des personnes interrogées estiment que les tribunaux doivent impliquer davantage les familles dans le processus de décision.

Les trois quarts dénoncent aussi les conditions de détention dans les prisons pour mineurs, l'absence de programme de réinsertion et tous les obstacles aux droits de visite : éloignement des prisons, coûts et difficultés du transport, horaires des visites, quand près de 50 000 jeunes sont séparés de leur famille toutes les nuits aux États-Unis.

« L'incarcération ne marche pas, comme le montre le taux de récidive », ajoute le rapport, selon lequel les familles sont trop souvent « méprisées, exclues et rendues responsables » de la dérive de leur enfant.

Selon l'enquête, 70 à 80 % des jeunes remis en liberté sont à nouveau arrêtés dans les deux à trois ans. Et 69 % des familles ont jugé « difficile » ou « très difficile » de ramener leurs enfants sur le chemin de l'école.