L'audience du Saoudien Abd al-Rahim al-Nachiri, qui risque la peine de mort pour l'attentat contre un navire américain, se tenait à huis clos mercredi à Guantanamo en l'absence de l'accusé, une première devant la justice militaire sous l'administration Obama.    

« C'est une situation vraiment sans précédent », a déclaré l'un des avocats de la défense, Richard Kammen. « C'est la première fois que je vais à une audience sans mon client », a-t-il dit mardi à des journalistes, soulignant avoir plaidé dans 35 affaires de peine de mort y compris devant la justice de droit commun.

Le procureur en chef à Guantanamo, le général Mark Martins, a reconnu pour sa part que c'était la « première session à huis clos » depuis son arrivée à ce poste en 2011 et la reprise des tribunaux militaires sous l'administration Obama.

Abd al-Rahim al-Nachiri, 47 ans, ne peut pas assister à la session secrète en raison des informations confidentielles qui doivent être abordées, a insisté à l'audience la procureure Joanna Baltes. Au grand dam de l'avocat Steve Reyes, qui a argué du « droit statutaire » de l'accusé « à être présent à toutes les sessions des tribunaux militaires ».

Pendant 90 minutes, devait être abordée la question de la détention du Saoudien dans des prisons secrètes de la CIA et les mauvais traitements qu'il aurait subis de 2002 à 2006 avant son transfert à Guantanamo. Selon un rapport de la CIA, il aurait subi des simulations de noyade et d'autres techniques d'interrogatoire musclées.

Quatorze médias ont protesté contre la perspective d'un huis clos, dans une requête déposée devant le tribunal.

Leur avocat, David Schulz, souligne que les mauvais traitements subis par M. Nachiri sont déjà de notoriété publique. Tenir à huis clos des discussions « sur des informations que le monde entier connaît déjà » revient « à se moquer de la justice militaire », avait-il plaidé en avril.

« Je veux réduire le huis clos à un minimum de temps », a prévenu le juge militaire James Pohl, à l'audience de mardi.

Todd Breasseale, un porte-parole du Pentagone, a indiqué mercredi qu'il n'y aurait pas d'audience ouverte à la presse de toute la journée et que les débats reprendraient normalement jeudi matin.

Le juge a expliqué qu'au cours de cette session secrète, les deux parties devaient se pencher sur deux requêtes, encore sous scellé, déposées par la défense réclamant davantage d'informations sur les conditions d'arrestation et de détention du Saoudien.

« Nous ne pouvons pas discuter (ouvertement) de tout ce qui a trait à la CIA », a déclaré Richard Kammen. Il a précisé avoir reçu 12 000 pages de documents classés secret défense et 40 000 pages d'éléments déclassifiés, mais en attendre « bien davantage ».

Cette session devait aussi porter sur des prélèvements d'ADN ou d'empreintes digitales recueillis sur les lieux de l'attentat contre l'USS Cole, qui avait fait 17 morts en 2000, et déterminer ce qui doit rester confidentiel.

L'un des procureurs, Anthony Mattivi, a indiqué que le gouvernement prévoyait d'utiliser certaines déclarations de M. Nachiri contre lui.

Mais le procureur en chef Mark Martins a répété à quelques journalistes que la loi sur les tribunaux militaires interdisait « l'utilisation de témoignages recueillis sous la contrainte ou la torture ».

« Le processus de confrontation est aussi ouvert et transparent que possible pour déboucher sur un procès juste », a-t-il ajouté.

Le juge militaire a laissé entendre que le procès ne débuterait pas en novembre comme prévu et s'est impatienté face au gouvernement qui tarde à remettre les documents demandés par la défense.

« Rien n'a vraiment changé depuis 2006 », lors de la première réforme des tribunaux militaires sous l'administration Bush, a déploré Me Kammen, « c'est le même combat, le système n'est pas plus ouvert, transparent ou juste » sous Obama.

PHOTO REUTERS

Le Saoudien Abd-Al-Rahim Nachiri.