Le juge militaire chargé des détenus importants à Guantanamo a refusé de se récuser mardi à l'audience du cerveau présumé de l'attentat contre un navire militaire américain en 2000, rejetant en bloc l'accusation de partialité avancée par la défense.  

La défense du Saoudien Abd-Al-Rahim Nachiri, qui encourt la peine de mort pour l'attentat contre le USS Cole au large du Yémen, a réclamé que le juge James Pohl se récuse. Elle estime qu'un conflit d'intérêts juridique et financier empêche le juge de prendre une décision qui déplaise à la bureaucratie militaire.

« Aucun d'entre nous n'est suffisamment arrogant pour se croire indispensable, tout le monde est remplaçable », a déclaré Richard Kammen, l'un des avocats de la défense.

James Pohl est le seul juge exerçant actuellement à Guantanamo. Il s'est autodésigné dans les procédures contre M. Nachiri, contre les cinq accusés des attentats du 11-Septembre et contre Majid Khan, qui a plaidé coupable et accepté de témoigner contre des anciens d'Al-Qaïda.

« C'est la première procédure devant les tribunaux militaires » depuis leur réforme en 2009, a observé Me Kammen à l'ouverture de l'audience préliminaire prévue pour durer trois jours. M. Nachiri « est le premier accusé qui encourt la peine de mort, notre comportement sera jugé à l'aune de l'histoire », a-t-il lancé.

« Vous vous êtes autodésigné pour tous les détenus importants » à Guantanamo et « vous avez été nommé par l'Autorité des tribunaux militaires », a dénoncé l'avocat, suspectant chez le magistrat « une soumission extraordinaire » à cette Autorité.

« Nous ne savons pas si votre avenir dépend d'un coup de fil », a ajouté Me Kammen, estimant que le contrat de M. Pohl pouvait s'arrêter à tout moment au bon vouloir de « la bureaucratie militaire ». « Ce que vous décidez dans le dossier du 11-Septembre, vous le décidez en réalité aussi pour cette affaire », a-t-il martelé.

Au service de l'armée

Après une heure et demie de débats et une suspension d'un quart d'heure, James Pohl, visiblement agacé, a argué de ses 32 ans de service, dont 12 ans en tant que juge, pour refuser de se récuser, estimant « qu'aucun des arguments de la défense n'a de fondement ».

Il a déclaré qu'il était « au service de l'armée et non des tribunaux militaires » et que son « impartialité » ne pouvait être mise en question.

M. Pohl est « actuellement le juge en exercice qui a servi le plus longtemps dans l'armée américaine », selon un porte-parole du Pentagone sollicité par l'AFP. Il devait partir à la retraite en 2010, mais travaille selon « un statut spécial » renouvelé chaque année, avec un salaire mensuel de 10 557 dollars, selon cette source.

Il est aussi le juge qui a présidé certains procès contre les militaires américains poursuivis pour mauvais traitements sur les prisonniers irakiens d'Abou Ghraib.

Statuant sur une autre requête de la défense, le juge a permis qu'une photo de l'accusé soit prise en détention pour remettre à ses parents et aux personnes susceptibles de témoigner à l'audience. Il a en revanche refusé qu'une vidéo tournée en Arabie saoudite par les parents de l'accusé lui soit remise.

M. Nachiri est poursuivi pour les attentats au Yémen contre le USS Cole, qui avait fait 17 morts en 2000, et contre le pétrolier français Limburg, qui avait fait un mort en 2002. Son procès devrait s'ouvrir au plus tôt en novembre. Ce serait alors le premier à se tenir à Guantanamo depuis la réforme des tribunaux militaires d'exception par l'administration Obama en 2009.

 

PHOTO REUTERS

Le Saoudien Abd-Al-Rahim Nachiri.