La journée de mercredi marquera le dixième anniversaire de l'ouverture de la prison de Guantanamo, établie sur une base navale de l'armée américaine à Cuba, et sa fermeture annoncée à maintes reprises semble encore bien loin de se concrétiser.

Le délai fixé par le président Barack Obama pour fermer la prison n'a pas été respecté depuis deux ans. Aucun détenu n'a quitté le camp de la baie de Guantanamo depuis un an en raison de restrictions sur les transferts, et l'incarcération militaire indéfinie est désormais enchâssée dans les lois américaines.

Ce dixième anniversaire devrait donner lieu à des manifestations ce mercredi à Londres et à Washington. Les prisonniers de la base navale sur l'île de Cuba comptent de leur côté marquer cette journée avec des «sit-in», des banderoles et un refus de s'alimenter, a expliqué un avocat de sept prisonniers de Guantanamo, Me Ramzi Kassem.

«Ils aimeraient envoyer le message à la communauté internationale que les détenus de Guantanamo contestent toujours l'injustice de leur incarcération», a ajouté Me Kassem, aussi professeur de droit à la City University de New York.

La commandant de navire Tamsen Reese, une porte-parole de la prison, a mentionné que les prisonniers avaient fait part de leurs intentions à leurs gardiens, ajoutant que ce genre de manifestations n'était pas inhabituelle à Guantanamo.

Des groupes de défense des droits humains et des avocats de prisonniers sont consternés que l'administration Obama ait non seulement échoué à surmonter la résistance du Congrès pour fermer la prison, mais qu'elle ait aussi donné lieu à la reprise des procès militaires sur la base dans le cas de prisonniers ayant été blanchis.

Les critiques de Washington dénoncent également le feu vert d'Obama, donné le 31 décembre, à la National Defence Authorization Act, qui inclut notamment une clause permettant la détention militaire indéfinie et sans procès d'un prisonnier.

«Nous avons désormais intégré le concept de Guantanamo dans la loi américaine. Plutôt que de s'assurer de l'exécution du plan de fermeture de la prison, (M. Obama) a accepté l'idée d'une détention indéfinie pour la durée de certains conflits non déterminés», a déploré Andrea Prasow, l'une des principales conseillères de Human Rights Watch sur la lutte contre le terrorisme.

Le porte-parole de la Maison-Blanche Jay Carney soulignait lundi que le président Obama souhaitait toujours la fermeture de Guantanamo, une démarche qui est considérée «dans l'intérêt de la sécurité nationale». Il a soulevé au passage que le président républicain George W. Bush et l'ex-candidat à la présidentielle, le sénateur John McCain, étaient eux aussi favorables à cette fermeture.

«L'engagement de fermer la prison de Guantanamo qu'a pris le président est aussi ferme aujourd'hui qu'il l'était pendant la campagne. Je pense qu'il s'agit d'un processus qui doit surmonter certaines embûches dont nous sommes tous conscients, et nous maintiendrons nos efforts en ce sens», a déclaré M. Carney.

Le camp de Guantanamo détient toujours 171 prisonniers, parmi lesquels 36 sont dans l'attente d'un procès en lien avec des accusations de crime de guerre, dont des allégations d'avoir fomenté les attentats du 11 septembre 2001.

Quelque 46 autres, en détention indéfinie, sont considérés comme dangereux par Washington, qui ne peut toutefois les accuser en raison d'un manque de preuves. Les États-Unis souhaitent en relâcher 32 mais rien n'a encore été fait, principalement en raison des restrictions du Congrès.

Pas moins de 57 autres ressortissants du Yémen y sont emprisonnés sans accusations, mais le gouvernement américain ne les libère pas en raison de l'instabilité qui règne dans leur pays.

La prison de Guantanamo, qui occupe un espace de 115 kilomètres carrés sur la pointe sud-est de Cuba, s'est d'abord avérée un lieu inusité de détention des suspects dans la guerre contre l'Afghanistan, un groupe hétéroclite parmi lesquels des membres radicaux d'Al-Qaïda en passant par des passants malchanceux.

Les premiers prisonniers de Guantanamo, qui ont été emmenés au camp le 11 janvier 2002, étaient détenus dans des installations extérieures et questionnés dans des abris en bois. La population carcérale a grimpé à près de 700 au milieu de 2003.