L'administration Bush a demandé à la CIA de lui fournir des éléments compromettants sur un historien qui critiquait l'intervention en Irak, selon les aveux au New York Times d'un ancien de la centrale de renseignements américaine, que cette dernière dément.

Cet ancien agent, Glenn Carle, raconte au journal deux épisodes au cours desquels la CIA a été priée de fournir directement à la Maison Blanche tout renseignement scabreux qu'elle dégotterait sur Juan Cole.

Les positions de ce professeur d'histoire de l'université du Michigan, spécialiste du Moyen-Orient, «contredisaient la propagande de l'administration qui cherchait à présenter l'opération en Irak comme une réussite lumineuse», a expliqué M. Cole jeudi sur son blogue.

En 2005, raconte M. Carle, au retour d'une réunion à la Maison Blanche, son supérieur lui a demandé ce qu'il pourrait «trouver sur (M. Cole) pour le discréditer». «La Maison Blanche veut sa peau», aurait ajouté ce supérieur, David Low.

Interrogé par le New York Times, celui-ci a affirmé «n'avoir aucun souvenir» de l'épisode.

M. Carle se souvient en revanche de l'échange avec son supérieur et assure avoir refusé. Depuis les excès de l'ère Nixon, la Centrale a interdiction totale d'espionner et de mener des enquêtes sur des citoyens si la sécurité nationale n'est pas en jeu.

L'agent a rapporté l'incident au responsable de son unité, le Conseil national du renseignement.

Mais le lendemain, il se souvient avoir intercepté un dossier comportant «des notes désobligeantes sur le style de vie» de Juan Cole, qui allait partir vers la Maison Blanche.

Pour la CIA, il ne s'est rien passé de tout ça. «Nous avons minutieusement examiné nos archives et toute allégation selon laquelle la CIA a livré des informations privées ou désobligeantes sur le professeur Cole est tout simplement fausse», a déclaré vendredi à l'AFP Preston Golson, l'un de ses porte-parole.

La Centrale dit «apprécier les vues des experts extérieurs, dont celles des universitaires respectés». «La diversité des idées est essentielle dans le domaine de l'analyse des renseignements», selon M. Golson.

Quelques mois après ces événements, selon le New York Times, un collègue de M. Carle se montre déconcerté par un courriel qu'il reçoit du bureau de l'adjoint au renseignement de la CIA, John Kringen. Ce courriel le somme de «réunir des informations» sur Juan Cole, qui critique l'administration lors de ses conférences et sur son blogue.

M. Carle va donc à la rencontre de l'assistant de M. Kringen qui a rédigé le courriel. «Vous avez lu son blogue?», lui aurait répondu celui-ci. «Il est vraiment très hostile à l'administration».

Ce deuxième épisode a été confirmé au New York Times par des responsables du renseignement parlant sous couvert d'anonymat.

M. Carle a menacé de prévenir le bureau de l'inspecteur général de la CIA. Le second incident était clos.

«J'espère que le Sénat et la Chambre vont immédiatement ouvrir une enquête sur cette infraction manifeste à la loi de la part de l'administration Bush et des responsables de la CIA concernés», a écrit Juan Cole sur son blogue.

Un haut responsable du renseignement a de son côté fait valoir vendredi à l'AFP que le Pr Cole avait participé depuis à des conférences de la CIA, sous l'administration Bush comme celle d'Obama.

La sensibilité de l'administration Bush à l'égard de ses détracteurs, au point de sortir de la légalité, s'était déjà illustrée en 2003 dans l'affaire Valerie Plame.

Le mari de cette agente de la CIA travaillant sous couverture avait publiquement dénoncé les affirmations de l'administration sur la présence d'armes de destruction massive en Irak. Un jour, elle a découvert que son nom avait été révélé à la presse.

L'enquête a montré que l'ordre de divulguer son identité provenait des plus hautes sphères de l'administration.

Le New York Times avait également appris aux Américains en 2005 l'existence d'un vaste programme d'écoutes téléphoniques mené par l'administration sans aucun mandat de la justice.