La loi dite de «Défense du mariage» serait-elle devenue indéfendable?

Fin février, Barack Obama a demandé à son ministre de la Justice de ne plus défendre devant les tribunaux cette loi fédérale promulguée en 1996 par Bill Clinton, et qui définit le mariage «seulement comme une union légale entre un homme et une femme». Le président avait alors jugé cette loi «anticonstitutionnelle».

Qualifiée de «monumentale» par une organisation en faveur du mariage gai, la décision du président a été aussitôt dénoncée par les républicains de la Chambre des représentants. Ceux-ci ne se sont cependant pas contentés de rouspéter. Ils ont embauché un prestigieux cabinet d'avocats d'Atlanta, King&Spalding, pour défendre la constitutionnalité de la loi fédérale aux contentieux portant sur cette question.

Or King&Spalding a suscité la surprise et la controverse la semaine dernière en abandonnant son client, la Chambre des représentants des États-Unis, et en renonçant à défendre une loi fédérale, du jamais vu dans les annales du droit américain.

«En réexaminant cette mission, j'ai conclu que la procédure utilisée pour vérifier cet engagement avait été inadéquate», a déclaré le président du cabinet, Robert Hays, dans un communiqué. «Au bout du compte, je suis responsable de toute erreur commise et je m'excuse des problèmes que cela a pu créer.»

Derrière cette formulation brumeuse, tous les observateurs ont vu la peur d'un cabinet d'avocats prestigieux de se mettre à dos les groupes de défense des droits des homosexuels. Ceux-ci avaient critiqué avec férocité la décision de King&Spalding de défendre la loi de «Défense du mariage», faisant valoir que cette cause nuirait à sa capacité de recruter et de retenir de bons avocats.

La décision du cabinet d'avocats n'a pas seulement été critiquée par les adversaires du mariage homosexuel. La page éditoriale du New York Times, qui s'oppose à la loi fédérale, l'a également décriée, affirmant que King&Spalding avait l'obligation de «résister aux pressions politiques de la gauche» après avoir accepté de représenter la Chambre des représentants.

Un tournant?

Au-delà des questions d'éthique, le revirement de King&Spalding représente peut-être un tournant dans le débat sur le mariage homosexuel aux États-Unis. De toute évidence, le cabinet d'avocats ne voulait pas être associé à une cause qui est en passe de devenir un synonyme d'intolérance, et pas seulement aux yeux de la gauche américaine.

Plusieurs républicains, dont Laura Bush et sa fille Barbara, ont annoncé leur soutien à la campagne en faveur du droit des homosexuels de se marier, ce qu'ils peuvent déjà faire dans cinq États (Connecticut, Iowa, Massachusetts, New Hampshire et Vermont), ainsi que dans le district de Columbia. Theodore Olson, qui avait défendu George W. Bush contre Al Gore devant la Cour suprême en 2000, se bat de son côté devant les tribunaux pour obtenir la légalisation du mariage homosexuel à l'échelle nationale.

La position de ces républicains est le reflet d'un changement dans l'ensemble de la population américaine, où une majorité (53%) est désormais en faveur du mariage homosexuel, selon un sondage du Washington Post et d'ABC News publié le 18 mars, une première aux États-Unis.

C'est donc dire que Barack Obama est à la remorque d'une bonne partie de l'opinion publique. Le président démocrate a toujours critiqué le caractère discriminatoire de la loi de «Défense du mariage», qui prive notamment les conjoints homosexuels des employés fédéraux des mêmes avantages que les conjoints hétérosexuels. Mais il s'oppose encore au mariage homosexuel, tout en soulignant que sa position sur le sujet évolue «constamment».

Ironiquement, cette position ressemble à celle de plusieurs Américains face aux mariages interraciaux à une autre époque. Nombre d'entre eux résistaient encore aux unions entre Blancs et personnes de couleur après avoir accepté l'intégration raciale dans les écoles publiques et même dans le milieu du travail, rappellent juristes et historiens.

Mais est venu le moment où les lois interdisant les mariages interraciaux sont devenues indéfendables.