Peut-on régler un problème d'adultère sur la base d'une loi antiterroriste? C'est la question posée mardi devant la Cour suprême des États-Unis par une femme condamnée à six ans de prison pour avoir tenté d'empoisonner sa meilleure amie, enceinte de son mari.

Carol Bond et Myrlinda Haynes étaient connues pour être les meilleures amies du monde. Toutes deux originaires de la Barbade, elles habitaient l'une à côté de l'autre à Norristown, près de Philadelphie, selon des documents judiciaires.

En 2006, Mme Bond apprend avec ravissement que son amie est enceinte. Sa joie est de courte durée: elle découvre que le père de l'enfant n'est autre que son propre mari.

La trahison l'entraîne alors dans une entreprise de vengeance où elle met à profit ses talents de microbiologiste pour tenter d'empoisonner sa rivale.

Elle récupère des substances chimiques chez son employeur, en achète sur internet, puis tente de piéger Myrlinda Haynes en déposant le poison sur la poignée de porte de sa voiture ou sur sa boîte aux lettres.

Au total, Mme Bond, rapidement arrêtée, est accusée d'avoir commis 24 tentatives d'empoisonnement, pour la plupart déjouées par sa victime.

L'affaire en soi ne semble présenter guère de difficultés au niveau juridique: Carol Bond a commis une succession de délits dont elle est censée répondre devant la justice locale.

C'est à ce moment qu'intervient un procureur du ministère de la Justice, qui décide d'inculper Mme Bond sur la base de la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC), qui interdit la fabrication, le stockage et l'utilisation des armes chimiques.

En vertu ce traité, qui vise notamment à empêcher que ces armes ne tombent entre les mains de terroristes, elle écope de six ans de prison.

Mardi devant la Cour suprême, son avocat Paul Clement a fait valoir que cette condamnation était inconstitutionnelle au motif qu'elle était basée sur une loi fédérale, alors que les infractions commises par Mme Bond relevaient de la justice locale.

Pour Me Clement, il s'agit d'une violation du Xe amendement de la Constitution américaine, qui organise la répartition des pouvoirs entre l'Etat fédéral et les cinquante Etats américains.

Lors de sa plaidoirie, l'avocat a avancé que le recours à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques était disproportionné par rapport aux faits.

«Il ne s'agissait pas de gaz sarin», a souligné Me Clement. «Il y a quand même quelque chose d'étrange dans la théorie du gouvernement qui consiste à dire qu'on peut acheter des armes chimiques sur le site Amazon.com».

La Cour suprême, qui se prononcera d'ici la fin du mois de juin sur l'affaire, a semblé pencher du côté de la plaignante.

«Elle veut plaider le fait que cette affaire est une affaire locale et que toute tentative de la transformer en crime en vertu d'un traité anti-terroriste est une erreur», a déclaré le juge Antonin Scalia, relevant que lors de son procès, cet argument avait été rejeté par le tribunal.

«Mais pourquoi ne pourrait-elle le faire?», a interrogé le juge.