Elle est d'abord devenue la première femme nommée éditrice de l'hebdomadaire New York, en 1979, puis la première femme à diriger le quotidien USA Today, en 1984, ensuite la première femme à régner sur la branche magazines du groupe Hearst, en 1996, et enfin, la semaine dernière, la première femme à prendre la tête des écoles publiques de New York.

Blonde grande et élégante qui ne fait pas ses 66 ans, Cathleen Black est sans aucun doute ce que l'on peut appeler une «superwoman» des médias. Elle a notamment survécu au déclin de la presse écrite avec des titres comme Cosmopolitan, Harper's Bazaar, Esquire, Good House Keeping et O: The Oprah Magazine.

Mais est-elle pour autant de la trempe des réformateurs scolaires auxquels fait allusion le réalisateur du film oscarisé Une vérité qui dérange, David Guggenheim, dans Waiting for»Superman», son nouveau documentaire sur les ratés de l'école publique aux États-Unis?

Le maire de New York, Michael Bloomberg, ne semble pas en douter, même si Cathleen Black n'a pas la moindre expérience dans le domaine de l'éducation. «Il n'y a pratiquement aucune personne qui en sache davantage sur les aptitudes dont nos enfants auront besoin dans l'économie du XXIe siècle», a-t-il déclaré en présentant à la presse la remplaçante de Joel Klein, qui exerçait le rôle de chancellor des écoles publiques de New York depuis 2002.

Mais le Daily News a résumé l'étonnement de plusieurs élus, parents et éducateurs de New York en publiant à la une, le lendemain de l'annonce du maire, ce titre en lettres énormes: «Hein?»

Quelle expérience?

La surprise s'est vite muée en opposition au conseil municipal de New York, où au moins 13 des 51 membres ont déjà donné leur accord au texte d'une résolution enjoignant à l'État de New York de refuser d'exempter Cathleen Black de la loi obligeant le «chancelier» des écoles publiques de New York à avoir une formation et une expérience d'éducateur.

«Tout comme nous examinons sérieusement la feuille de route des dirigeants des services de police et d'incendie, nous devrions utiliser la même approche pour le chancelier des écoles publiques de New York», a déclaré le conseiller municipal Jumaane Williams, auteur de la résolution.

Pour surprenante qu'elle soit, la nomination de Cathleen Black ne constitue pas un précédent à New York ou aux États-Unis. Joel Klein n'avait pas non plus d'expérience en tant qu'éducateur avant de se voir confier la gestion du plus grand réseau d'écoles publiques de son pays (138 000 employés, 1,1 million d'élèves et un budget de 23 milliards de dollars).

Mais, contrairement à Cathleen Black, cet avocat de 64 ans pouvait au moins se targuer d'avoir fréquenté les écoles publiques de New York et d'avoir passé plusieurs années de sa vie dans le secteur public, lui qui a notamment dirigé la division antitrust du département de la Justice américain. À ce titre, il a orchestré la poursuite du gouvernement contre Microsoft pour abus de monopole.

Au cours de son règne de «chancelier», Joel Klein a acquis la réputation d'un réformateur, en mettant en place un système pour mesurer la performance des écoles et des professeurs, en ordonnant la fermeture de 97 écoles non performantes et en donnant le feu vert à l'ouverture de 474 nouveaux établissements, dont des dizaines d'«écoles à charte», qui sont gérées de façon indépendante et dont les enseignants ne sont pas syndiqués. Il cite parmi ses plus grandes réalisations une hausse de 20% du taux de diplomation.

Une mondaine

D'autres villes américaines, dont Los Angeles et Pittsburgh, ont également confié au cours des dernières années la responsabilité de leurs écoles publiques à des personnes n'ayant aucune expérience dans le domaine de l'éducation.

Mais Michael Bloomberg, fondateur d'un empire médiatique qui porte son nom, n'a sans doute pas fini d'expliquer pourquoi il a arrêté son choix sur Cathleen Black, native de Chicago dont les enfants ont fréquenté l'école privée, comme elle l'a elle-même fait, et dont l'appartement de Park Avenue est le théâtre de soirées mondaines auxquelles sont invités les New-Yorkais les plus riches et influents, dont le maire et le président de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein.

«Cela prouve qu'ils ne comprennent rien à ce qu'est le poste», a déclaré le maire Bloomberg vendredi en répondant aux critiques qui déplorent l'inexpérience de Cathleen Black dans le domaine de l'éducation. «La vraie question est de savoir si elle a la personnalité, l'intelligence et le courage de faire ce qui est bien. Et je pense que cette femme a ces qualités.»