La cour d'appel fédérale de Washington a décidé vendredi que les détenus de la prison de Bagram en Afghanistan n'avaient pas accès aux tribunaux fédéraux américains pour contester leur détention au civil, comme peuvent le faire les détenus de Guantanamo.

Dans une décision unanime des trois juges qui avaient examiné l'affaire en janvier, la cour a renversé le jugement de première instance autorisant les détenus de Bagram non afghans ou n'ayant pas été arrêtés en Afghanistan à saisir la justice américaine pour qu'elle examine le bien-fondé de leur détention.

Tout prisonnier a droit, selon le droit américain, à contester sa détention en vertu de la procédure au civil appelée Habeas corpus et fondatrice du droit anglo-saxon. La Cour suprême a étendu ce droit en 2008 aux détenus de Guantanamo, dont plusieurs dizaines ont depuis été déclarés libérables par des tribunaux fédéraux.

Très sensible au moment où les États-Unis sont en train de transférer l'autorité de la prison de Bagram au gouvernement afghan, la question devrait atterrir dans les prochains mois sur le bureau des neuf juges de la Cour suprême.

L'argument principal développé par la cour pour débouter les deux détenus yéménites et le Tunisien qui avaient fait appel est que la situation de la prison située sur la base militaire américaine de Bagram à 50 km au nord de Kaboul est fondamentalement différente de celle de la base navale de Guantanamo à Cuba.

Certes, les deux font l'objet d'un bail de location mais, affirme la cour, «les États-Unis ont maintenu leur souveraineté sur la base navale de Guantanamo depuis plus d'un siècle (...), à Bagram, il n'y a aucune indication qu'ils aient l'intention de s'y établir de manière permanente».

Les magistrats ancrent leur position dans une différence de taille: Bagram est situé sur le champ de bataille, au coeur de la guerre, quand Guantanamo ne l'est pas.

En réponse aux détracteurs de l'État fédéral américain assurant que l'administration Bush, puis Obama, a commencé à transférer des prisonniers à Bagram lorsqu'il s'est avéré qu'il n'était plus possible de le faire à Guantanamo, les juges estiment que «ce n'est pas étayé par des preuves, ce n'est pas étayé par la raison».

Ils rappellent en outre que «le centre de détention (de Bagram) est sous l'autorité d'un autre pays, ce qui créé en soi des difficultés pratiques».

«Sans pouvoir certifier que donner des droits constitutionnels aux détenus de Bagram risque de gêner la relation (des États-Unis avec le gouvernement afghan), nous ne pouvons pas non plus savoir avec certitude qu'elle serait la réaction de l'Afghanistan», conclut-elle.

Environ 675 prisonniers sont actuellement enfermés sur la base militaire américaine de Bagram, dans des bâtiments flambant neufs qui ont coûté 67 millions de dollars. Parallèlement à son action devant les tribunaux, l'administration Obama a annoncé en septembre 2009 que les détenus disposeraient du droit de contester leur détention devant un conseil militaire chargé du réexamen de leur situation.