Rick Yarosh, 27 ans, ancien soldat en Irak, n'a plus de visage, mais seulement une enveloppe de peau gonflée de couleur rose vif avec des trous pour le nez, les yeux et les oreilles.

Et pourtant, Rick, dont le char a sauté en septembre 2006 sur une bombe artisanale près d'Abou Ghraïb en Irak ce qui lui a brûlé le corps à 60%, pose fièrement sur un tableau exposé à la National Portrait Gallery à Washington. «Je ne crains pas que les gens me regardent. Je n'ai pas honte. Si vous voulez être acceptés, il faut être fier de soi-même. Je ne vais pas me cacher, c'est ce que je suis pour le reste de ma vie», dit l'ancien sergent à l'inauguration d'une exposition où son portrait en bonne place suscite la curiosité des visiteurs.

La toile, signée Matthew Mitchell, un peintre du Massachusetts de 38 ans, fait partie d'un concours de portraits organisé tous les trois ans par la National Portrait Gallery. Une sélection de 49 oeuvres est exposée jusqu'au 22 août, sur un total de 3 300 toiles, photographies et collages reçus de tous les coins du pays.

Sur cette effigie de buste grandeur nature, intitulée «Portrait 23, Rick Yarosh», le soldat pose en simple T-shirt de l'armée, le visage boursouflé mais percé d'un regard lumineux.

La légende explique comment il a réchappé, après six mois d'hôpital et de multiples opérations, à l'explosion par une mine artisanale du réservoir de fuel de son char, subissant l'amputation d'une jambe et des brûlures incapacitantes aux bras, aux mains et aux visages.

«C'est une toile courageuse pour un homme courageux», commente une visiteuse qui ne veut pas dire son nom. «Le message de ce tableau est fascinant. Cela donne aux gens une idée de ce qu'il y a derrière une guerre», ajoute Igal Silber, un collectionneur.

À la soirée d'inauguration du concours, Rick Yarosh est à la fête. «Je ne m'attendais pas à la perfection, et ici, la voilà», dit avec humour, devant son portrait très ressemblant, l'ancien sergent qui désormais prononce des discours pour témoigner de son expérience.

La toile fait partie d'un projet de longue haleine de Matthew Mitchell qui, depuis 4 ans, s'est lancé dans la réalisation d'une série de 100 portraits d'anciens soldats d'Irak et d'Afghanistan. «Je voulais comprendre l'expérience américaine de la guerre», dit le peintre qui espère exposer un jour ses 100 portraits ensemble. Il en a déjà fait 30 et laisse le soin à ses sujets de choisir le message de la légende.

Il a rencontré Rick au cours de ses recherches dans un hôpital militaire pour grands-brûlés, et celui-ci a immédiatement accepté de témoigner avec sa gueule-cassée.

«Il est important de montrer les blessures lorsque vous voulez parler de la guerre. Quand j'ai rencontré Rick, j'étais d'abord choqué. Mais après un moment, bien que la forme de son visage soit inhabituelle, il dégage une grande beauté, même dans les couleurs», assure l'artiste.

Au cours de ses travaux, Matthew Mitchell dit avoir rencontré «beaucoup de gens désenchantés, ne croyant plus en leur mission».

Ce n'est pas le cas de Rick Yarosh, qui trouve énergie et force dans «la fierté d'avoir servi son pays».

«Quand vous voyez tout ce qu'on fait là-bas, les écoles qu'on construit, les enfants qu'on aide... alors que les médias ne montrent que les bombes. Je n'ai pas de regrets», martèle-t-il.

Le premier prix du concours a été remporté par un portrait photographique «Laura» de Dave Woody, de Fort Collins (Colorado) tandis que le deuxième prix a été attribué à un jeune peintre noir-américain de 22 ans, Ralph Rayfield de Richmond (Virginie), pour «Dad», un portrait de son père. Le portrait de Rick Yarosh n'a pas été primé.