La signature cette semaine par les États-Unis d'un pacte de non-agression avec l'Asie du Sud-Est devrait envoyer un «message fort» sur leur volonté de renforcer des liens avec une région où la Chine a déjà largement avancé ses pions, jugent analystes et diplomates.

La secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, doit signer le Traité d'amitié et de coopération (TAC) mercredi, à la veille du Forum sur la sécurité en Asie (ARF) organisé sur l'île thaïlandaise de Phuket par l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est (Asean). L'Union européenne (UE), la Russie ou encore la Chine et le Japon doivent aussi participer au Forum.

Le traité de non-agression, initié en 1976 par les membres fondateurs de l'Asean, engage ses signataires à régler pacifiquement leurs conflits, à renoncer à l'usage de la force ainsi qu'à toute ingérence dans les affaires intérieures de leurs partenaires.

Une quinzaine de Nations l'ont déjà signé, dont la Chine, le Japon, la France et l'an dernier encore la Corée du Nord. Les États-Unis, eux, hésitaient jusqu'ici, de peur qu'il ne réduise leur marge de manoeuvre sur les questions politiques et de sécurité dans une région de quelque 600 millions d'habitants.

Mais, en 2003, une Chine en plein essor rejoignait le pacte pour asseoir son influence. La réticence des Américains était dans le même temps parfois perçue comme un manque d'intérêt pour l'Asie du Sud-Est. Et Washington a fini par changer son fusil d'épaule.

«Apparemment les États-Unis ont décidé que les avantages liées à la signature du traité dépassaient les coûts», a estimé Rodolfo Severino, ancien secrétaire général de l'Asean, aujourd'hui à la tête d'un centre d'Études sur l'Association à Singapour.

Avant même la signature du traité par Washington, les ministres des Affaires étrangères de l'Asean, réunis à Phuket depuis dimanche, ont salué «le message fort» envoyé par les États-Unis sur leur «engagement en faveur de la paix et de la sécurité dans la région». Pendant des années, le refus de signer le traité a aussi alimenté les spéculations sur les ambitions des États-Unis dans la zone.

Signifiait-il «qu'ils (n'excluaient) pas un recours à la force pour résoudre des conflits, qu'ils (voulaient) s'immiscer dans les affaires intérieures des pays?», a poursuivi M. Severino dans un entretien avec l'AFP. Selon des diplomates, les Américains espèrent aujourd'hui se servir du pacte de non-agression comme d'un levier pour d'autres coopérations régionales. Des coopérations que l'Inde et la Chine n'ont, elles, pas attendu pour développer. Pékin, notamment, est perçue comme un partenaire majeur de l'Asean.

Le but de Washington serait notamment de rejoindre le sommet d'Asie de l'Est, qui regroupe l'Asean et six autres partenaires commerciaux -Australie, Chine, Inde, Japon, Nouvelle-Zélande et Corée du Sud. «Le sommet d'Asie de l'Est a le potentiel pour devenir un bloc commercial gargantuesque et stratégique», a estimé un diplomate du Sud-Est asiatique sous couvert d'anonymat. «Si les États-Unis ne sont pas à bord, ils auront peu d'influence dans un ce bloc qui inclut déjà l'Inde et la Chine».

La signature du traité de non-agression est pour l'instant réservé à des pays. Mais l'Asean envisage de l'amender pour permettre notamment à l'UE de le rejoindre à son tour.