En ces temps de crise, Barack Obama va devoir trouver un subtil équilibre pour réussir son entrée à la Maison Blanche le 20 janvier prochain. Malgré la guerre en Irak et les difficultés des Américains, il faudra ne pas décevoir les foules attendues pour les festivités. Aussi les problèmes économiques ne vont pas forcément entraîner une investiture au rabais.

«Nous sommes bien conscients que les gens dans ce pays souffrent, qu'ils traversent une période difficile», assure Linda Douglass, porte-parole du Comité de l'investiture présidentielle. «D'un autre côté, pour nous, il ne s'agit pas seulement de fêter une élection, c'est aussi l'occasion pour les gens de se rassembler et célébrer leurs valeurs communes, les aspirations et les objectifs qu'ils partagent.»D'après Linda Douglass, le comité veut organiser «l'investiture la plus ouverte et accessible de l'histoire». Mais il reste difficile de prévoir à quel point elle sera dispendieuse.

Contrairement aux années précédentes, le comité a prévenu qu'il n'accepterait pas les contributions d'entreprises, de lobbies ou de ressortissants étrangers, et plafonnerait les contributions individuelles à 50.000 dollars.

Le comité n'a livré que peu de détails des festivités, mais l'addition ne risque pas d'être légère. Le président George W. Bush avait récolté 42 millions de dollars pour financer sa seconde cérémonie d'investiture. Sans compter les millions de dollars dépensés par l'Etat pour assurer la sécurité.

Pour Gil Troy, universitaire actuellement attaché au Centre de politique bipartisan, s'il ne faut pas qu'on voie le président nager dans le caviar, il doit préserver tout de même une certaine dose de glamour. «Au fond de nous, on aimerait que nos dirigeants soient comme le roi et la reine d'Angleterre -mais pas trop non plus», résume-t-il.

Et une approche plus populaire, qui pourrait sembler judicieuse en ces temps de crise, n'est pas sans risque. L'investiture du président Andrew Jackson en 1829 est restée dans les annales comme la mauvaise idée de l'histoire. Arrivé à Washington comme le champion de l'homme du peuple, il avait ouvert la Maison Blanche à ses partisans, qui l'ont remercié en saccageant le lieu...

Excepté la dernière investiture de Franklin D. Roosevelt pendant la Seconde Guerre mondiale, les festivités d'investiture n'ont que rarement été affectées par des événements mondiaux. Un bal fut ainsi donné en 1933 pour sa première investiture en plein coeur de la Grande Dépression, rappelle Jim Bendat, auteur d'un ouvrage sur les investitures présidentielles depuis 1978, «Democracy's Big Day: The Inauguration of our President 1978-2009». Et la seconde investiture de George W. Bush a coûté plus cher que la première, alors même que le pays était engagé dans deux guerres.

En cas d'alternance, les investitures ont aussi tendance à être plus élaborées. Ronald Reagan avait ainsi tenu à marquer sa différence après les petites économies de Jimmy Carter, qui préférait baisser le chauffage et porter des pulls. Pour son investiture, le démocrate Carter avait choisi de ne pas prendre la limousine présidentielle, mais de venir à pied avec son épouse Rosalynn et leur fille Amy.

En 1981, Ronald Reagan est remonté dans la limousine pour une investiture rappelant celle de John F. Kennedy en 1961. Nancy Reagan portait une robe à 10.000 dollars pour la soirée de gala de trois heures, avec -comme pour JFK- Frank Sinatra et le gratin hollywoodien. «Reagan avait la capacité, et peut-être les Obama l'auront-ils aussi, de donner aux dépenses un air patriotique», relève Gil Troy.

Dimanche, Barack Obama a expliqué qu'il était important que le chef de l'Etat fasse de la Maison Blanche un point de ralliement pour la fierté nationale. Il a évoqué la possibilité d'"inviter des musiciens de jazz, des musiciens classiques, des poètes à la Maison Blanche pour qu'une fois de plus on mesure cet incroyable patchwork qu'est l'Amérique».

«Ce sera, je crois, incroyablement important, particulièrement parce que nous traversons une période difficile», a-t-il dit. «Et historiquement, ce qui nous a toujours permis de traverser les crises, c'est cette force de caractère nationale, ce sens de l'optimisme, cette volonté de regarder vers l'avant, ce sentiment que des jours meilleurs sont à venir.»