Le gouvernement américain est apparu lundi placé en porte-à-faux par l'offre de réconciliation faite par le président afghan Hamid Karzaï au mollah Omar, le chef des talibans que les Etats-Unis paieraient cher pour tenir, mort ou vif.

L'administration Bush s'est gardée de dire si elle pourrait accepter un arrangement avec l'un des hommes qu'elle recherche le plus au monde.Une telle acceptation constituerait un revirement considérable puisque le Pentagone disait tout récemment encore qu'on ne se réconciliait pas avec un homme qui a «le sang de milliers d'Américains sur les mains».

Le rejet explicite d'une telle éventualité mettrait cependant le gouvernement américain en contradiction flagrante avec un de ses principaux alliés, le président afghan, à un moment où la situation afghane est déjà très précaire.

L'administration Bush s'est ainsi contentée de dire lundi que, si elle était ouverte à la réconciliation entre le gouvernement afghan et certains talibans amendables, la chose paraissait difficilement concevable en ce moment avec le mollah Omar.

Et le chef d'état-major interarmées, l'amiral Michael Mullen, a fait clairement la distinction entre les talibans avec lesquels une réconciliation serait un jour possible et ceux avec lesquels elle ne le serait jamais.

«Nous soutenons Hamid Karzaï», a dit la porte-parole du président George W. Bush, Dana Perino.

«Mais ce que nous avons vu de la part des talibans et du mollah Omar, dont nous n'avons plus de nouvelles depuis un moment, c'est un refus de renoncer à la violence», a-t-elle dit.

Le président afghan a affirmé dimanche qu'il ferait «tout ce qui est en son pouvoir» pour protéger le mollah Omar en échange de la paix.

Il a signifié qu'il passerait même outre à une éventuelle opposition internationale s'il le fallait.

Les Américains sont «sceptiques quant aux intentions ultimes des talibans», a dit Mme Perino, et ont bien l'intention de continuer à les mettre sous pression.

«Nous reconnaissons qu'à un moment donné, il peut se trouver certains talibans pour vouloir la réconciliation et renoncer à la violence», a-t-elle dit.

«Mais nous ne pensons tout simplement pas que ce soit envisageable en ce moment», a-t-elle dit.

«Je pense que dans ces insurrections (...), il existe un groupe de réconciliables et un groupe d'irréconciliables», a dit devant la presse le chef d'état-major. Ses propos semblaient faire écho à ceux tenus au Pentagone le 29 octobre, avec une sourdine diplomatique étant donné le risque de contredire publiquement le président afghan.

«En tant que gouvernement, nous ne croyons pas que le mollah Omar soit quelqu'un avec lequel on se réconcilie», avait dit le porte-parole du Pentagone, Geoff Morrell.

«Le mollah Omar a le sang de milliers d'Américains sur les mains, au vu du soutien qu'il a apporté à Oussama Ben Laden», avait-il dit.

En fuite depuis 2001, l'énigmatique mollah Omar, dont il existe très peu de photos, est le chef des militants fondamentalistes qui ont dirigé l'Afghanistan de 1996 à fin 2001 en y faisant appliquer la loi islamique la plus radicale. Les Etats-Unis lui reprochent d'avoir donné refuge à Oussama Ben Laden, puis d'avoir refusé de le livrer après les attentats du 11-Septembre. Ils offrent une prime de plusieurs millions de dollars à qui permettra de le prendre.

Quant à l'éventualité qu'un haut responsable des talibans bénéficie un jour de la protection américaine, «c'est vraiment difficile à imaginer, vu d'ici, aujourd'hui», a dit le porte-parole du département d'Etat, Sean McCormack.