La Caroline-du-Nord a longtemps été perçue comme un bastion du conservatisme aux États-Unis. Tellement que les républicains ne se donnaient même pas la peine d'y faire campagne, sûrs de gagner. Mais ce n'est plus vrai. Pour la première fois en plus de 30 ans, les démocrates de Barack Obama pourrait emporter la mise le 4 novembre, constate notre envoyé spécial.

Une balade en voiture dans la région de Charlotte suffit pour constater combien la Caroline du Nord est divisée.

Sur les pelouses, les petites affiches «McCain-Palin» côtoient les affiches «Obama-Biden». Pour chaque affiche du premier tandem, il y a une affiche du second tandem pas loin derrière.

Plus on avance sur les routes et plus on a l'impression que démocrates et républicains sont à égalité dans cet État qui n'a pas fait élire un seul candidat démocrate depuis Jimmy Carter, en 1976.

Malheureusement pour les républicains, ce n'est pas qu'une impression. C'est la réalité.

Les sondages arrivent tous à la même conclusion: en Caroline-du-Nord, Barack Obama et John McCain sont engagés dans une bataille dont l'issue ne sera connue qu'à la toute dernière minute.

Un sondage CNN/Time, réalisé entre le 3 octobre et le 6 octobre, a très bien résumé la situation dans cet État indécis: 49% des intentions de vote pour Obama, et 49% des intentions de vote pour McCain.

Oui, la lutte est chaude en Caroline-du-Nord. Sans doute trop pour les républicains, qui ne s'attendaient certes pas à avoir à se battre pour un territoire qui leur appartient depuis si longtemps.

Avance insurmontable de BushAprès tout, il s'agit du même territoire que George W. Bush a volontairement ignoré en 2000 et en 2004 tellement il était en avance; à l'époque, Bush n'avait pas hésité à déplacer la majorité de son personnel de campagne à l'extérieur de l'État.

La Caroline-du-Nord a longtemps été perçue comme un bastion du conservatisme, là où les églises et les pistes de courses NASCAR prenaient toute la place. Mais son visage a changé. Entre 2000 et 2006, quelque 800 000 nouveaux habitants se sont ajoutés.

Sur South Boulevard, l'une des principales artères commerciales de la région de Charlotte, les magasins affichent autant en espagnol qu'en anglais. En tout, environ 600 000 nouveaux électeurs vont s'exprimer cette année. C'est cette nouvelle Caroline-du-Nord qui pourrait faire pencher la balance en faveur de Barack Obama. Ce sont ces nouveaux habitants, exaspérés par la lourdeur d'une crise économique qu'ils attribuent aux républicains, qui pourraient trancher au final.

Barack Obama le sait trop bien. Lors d'un récent rassemblement à Fayetteville, le candidat démocrate a déclaré: «Je peux composer avec les attaques de John McCain pendant encore quelques semaines. Mais le peuple américain ne peut pas composer avec quatre autres années de politiques économiques qui échouent.»

Préjugés racistes

La partie est évidemment loin d'être gagnée pour Obama. Le sénateur de 47 ans doit faire face aux vieux préjugés racistes qui perdurent dans le Sud. Il doit aussi se battre contre cette image de candidat élitiste qui semble le suivre jusqu'ici; lors du rassemblement à Fayetteville, il s'est fait traiter de socialiste par une dame en colère.

Mais le clan Obama a choisi de fourbir ses armes. Selon des données compilées par le Wisconsin Advertising Project, les démocrates ont dépensé 1,2 million de dollars en publicité en Caroline-du-Nord lors de la première semaine d'octobre, contre seulement 148 000$ pour les républicains.

À la télé locale, une pub des démocrates fait des rapprochements entre John McCain et George W. Bush. En plein le genre de message qui ne passe pas inaperçu dans un État où la question économique est sur toutes les lèvres.

À près d'une semaine des élections, c'est Barack Obama qui semble avoir le vent en poupe par ici. S'il fallait que la Caroline-du-Nord lui dise oui le soir du 4 novembre, son grand rêve pourrait bien devenir réalité.

Comme l'a fait remarquer son directeur de campagne David Axelrod dans les pages du quotidien Charlotte Observer, «si on peut réussir en Caroline-du-Nord, on peut réussir n'importe où.»