Le programme de surveillance téléphonique de la NSA est «légal», a estimé un juge new-yorkais vendredi, dont l'avis contredit avec force celui d'un magistrat de Washington qui, il y a dix jours, y voyait une manoeuvre «quasi-orwellienne» du gouvernement américain.

Ce nouveau rebondissement accroît la probabilité que la question de la légalité du programme de l'Agence américaine de sécurité soit, in fine, tranchée par la Cour suprême.

Le juge William Pauley concède dans sa décision consultée par l'AFP que la collecte de métadonnées (numéro appelé, durée de l'appel) «aspire virtuellement les informations de tous les appels téléphoniques passés vers et aux États-Unis». Mais, assure-t-il aussitôt, il s'agit là de la «riposte» du gouvernement américain à Al-Qaïda, le réseau extrémiste responsable des attentats du 11-septembre.

Le magistrat était appelé à se prononcer dans une affaire où l'influente Association de défense des libertés civiles (ACLU) attaquait l'administration Obama au prétexte que le programme de surveillance de la NSA était, selon elle, illégale. L'ACLU espérait bien que la justice y mette un terme et fasse «effacer toutes les données collectées».

«La question posée à la cour est de savoir si le programme de collecte massive de métadonnées téléphoniques est légal. La cour estime qu'il l'est», écrit encore le juge Pauley.

Dans un communiqué, l'ACLU s'est dit «très déçue» de la décision qui, selon Jameel Jaffer, l'un de ses experts, «minimise les implications qu'a la surveillance du gouvernement sur la vie privée».

L'ACLU a annoncé qu'elle ferait appel.

Au contraire, le ministère de la Justice s'est dit «content» du jugement, par l'intermédiaire d'un porte-parole interrogé par l'AFP.

Rare débat sur la vie privée

Le programme, dont l'étendue a été révélée par l'ancien consultant Edward Snowden, permet au renseignement américain de collecter les métadonnées téléphoniques, y compris celles d'Américains.

En un peu plus de six mois, les révélations d'Edward Snowden ont suscité un rare débat sur la pertinence de la surveillance de citoyens américains et, plus largement, sur les limites fixées à l'intrusion dans la vie privée, dont la protection est ancrée dans le Quatrième amendement de la Constitution.

Mais pour le juge new-yorkais, «il n'existe aucune preuve que le gouvernement a utilisé la collecte massive de métadonnées téléphoniques à d'autres fins que de prévenir et d'enquêter sur des attaques terroristes».

Cette cinglante rebuffade infligée aux défenseurs des libertés civiles intervient dix jours après la décision d'un juge de Washington, dont l'avis est aux antipodes du juge Pauley.

Le juge Richard Leon avait épinglé le 16 décembre le caractère «quasi-orwellien» du programme de surveillance de la NSA, estimant même que ce programme constituait une «atteinte à la vie privée». Il mettait en doute sa constitutionnalité et jugeait que la NSA «empiétait» sur les valeurs défendues par le Quatrième amendement de la Constitution.

Et là est le coeur du débat. Dans son jugement de vendredi, le juge William Pauley concorde avec la Commission d'enquête mise en place après le 11-septembre et pour laquelle «le choix entre la liberté et la sécurité n'en est pas un, puisque rien n'est plus propre à mettre en péril les libertés civiles qu'un attentat terroriste sur le sol américain».

Compte tenu du débat qu'il suscite tant dans les tribunaux que dans les médias, il fait peu de doute que le programme de surveillance de la NSA devrait occuper la Cour suprême, seule à même de se prononcer sur sa constitutionnalité, selon Stephen Vladeck, professeur de droit à l'American University de Washington.

La décision de vendredi «aide le gouvernement, mais les tribunaux d'appel ne sont en aucun cas liés par les décisions des tribunaux de première instance», a-t-il expliqué à l'AFP.

«Il est fort possible qu'une cour d'appel donne raison au juge Leon. À ce moment-là, il est quasiment certain que le gouvernement se tournera vers la Cour suprême, qui aura alors le dernier mot», a-t-il ajouté.

Au plan politique, le président Barack Obama est en train d'étudier une quarantaine de recommandations émanant d'un groupe d'experts chargés d'explorer des pistes de réflexion pour amender, si ce n'est réformer les programmes de la NSA.

Il compte s'exprimer sur le sujet en janvier.