Les combats de coq, une institution en Haïti, ont la vie dure malgré le séisme qui a dévasté le pays: près de Port-au-Prince, les volatiles sont baignés et leurs ergots aiguisés avant une nouvelle bataille.

L'arbitre a pesé les deux combattants et les présente au public: ce sera Doudou contre Zo La Plaine. Avant le combat, une minute de silence. Les spectateurs se tiennent debout, tête baissée.

«La vie continue !» lance l'arbitre, interrompant le silence sous les applaudissements qui emplissent «l'Arène des Coqs de PV». PV pour «Pétion-Ville», la banlieue chic de Port-au-Prince, dévastée comme le reste de l'agglomération par la secousse du 12 janvier. Les deux coqs de combat aux plumes chatoyantes s'élancent l'un vers l'autre.

Au milieu des bâtiments effondrés et des sinistrés qui s'entassent dans des tentes sur le parking, la structure en béton de 500 places a résisté comme par miracle.

Signe que l'humeur n'est pas tout à fait au beau fixe dans un pays qui compte plus de 200 000 morts, seul un tiers des sièges sont occupés. Le public est composé entièrement d'hommes, quelques-uns en chemise bien repassée, qui gagnent leur siège numéroté. Dans l'atmosphère de désolation qui règne au dehors, le combat de coqs apporte une distraction bienvenue.

«Ca fait partie de la culture haïtienne», explique Laine Mackinson, un spectateur âgé de 26 ans.

En coulisses, les entraîneurs s'activent à aiguiser les griffes des coqs, qu'on a casqués pour qu'ils restent calmes.

À proximité, Jean Robert Delisca, 45 ans, raconte que deux de ses cousins ont péri dans le tremblement de terre. Beaucoup de ses voisins sont à la rue, mais sa maison a résisté au choc. «La vie, c'est difficile. Mais il faut bouger quand même», observe-t-il.

«En Haïti, tout le monde connaît les combats de coqs», assure Louis Oja, un grand-père qui a perdu une de ses petites filles lors du séisme et se change les idées en aiguisant les pattes de son champion. 

Laine Mackinson explique que les meilleurs coqs de combat sont issus d'un croisement entre les oiseaux cubains, plus forts, et les dominicains, connus pour leur rapidité. Laine hasarde une métaphore footballistique, évoquant une équipe qui réunirait les meilleurs joueurs européens et latino-américains: «C'est comme Barcelone», dit-il.

Au centre de l'arène, le combat s'est engagé. Les spectateurs parient sur chacun des adversaires et agitent des billets de 500 gourdes (9 euros). Le propriétaire du vainqueur repart parfois avec des dizaines de milliers de gourdes, dit-on.

Mais Doudou a vite le dessus. Les spectateurs crient «Ah» à chaque fois qu'il frappe son rival. Le malheureux Zo La Plaine perd des plumes et du sang perle sous sa crête.

Après 20 minutes, il semble prêt à jeter l'éponge et tente de se protéger à la limite du terrain. Mais Doudou ne lâche pas et assène ses coups de bec et de griffes. Zo La Plaine tente en vain de sauter de l'autre côté de la barrière. Finalement, l'arbitre se saisit du micro et met fin au combat, proclamant la victoire de Doudou et de tous ceux qui ont parié sur lui.