L'Iran et les grandes puissances se sont mutuellement exhortés à des concessions mardi, au premier jour de négociations marathon à Vienne en vue d'un accord historique sur le programme nucléaire de Téhéran.

À son arrivée dans la capitale autrichienne, le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif, a promis de «mener des efforts jusqu'au dernier jour», jugeant qu'un accord était possible tout en mettant en garde ses interlocuteurs contre toutes «demandes excessives».

L'Iran doit de son côté faire «tous les efforts possibles» pendant cette «semaine décisive», a jugé en retour le secrétaire d'État américain John Kerry, depuis Londres où il a rencontré mardi des homologues européens et arabes pour les informer de l'avancée des discussions.

Le chef de la diplomatie britannique, Philip Hammond, a pour sa part appelé Téhéran à faire preuve de davantage de «flexibilité».

Alors que demeurent des écarts significatifs entre les positions, il reste tout juste six jours aux diplomates pour parvenir à un accord avant la date-butoir du 24 novembre.

Le coup d'envoi des négociations a été donné lors d'un déjeuner entre M. Zarif et la représentante de l'Union européenne dans ce dossier, Catherine Ashton.

Plus tard dans la journée, plusieurs autres réunions se sont également déroulées, dont une entre les 5+1 et l'Iran, ainsi que des discussions bilatérales entre les États-Unis et l'Iran, selon des diplomates.

Les ministres des grandes puissances du «5+1» (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne), dont John Kerry, sont attendus dans la semaine à Vienne, après de premières séries de réunions à huis clos de leurs directeurs politiques.

Les grandes puissances soupçonnent depuis 2002 la République islamique de vouloir se doter de la bombe atomique, sous couvert d'un programme nucléaire civil. Téhéran dément farouchement.

La controverse a occasionné des tensions allant jusqu'à des menaces de guerre, alimentées notamment par la crainte qu'un Iran nucléaire inspire à Israël et aux pays arabes du Golfe.

Frappé de lourdes sanctions internationales, l'Iran souhaite la levée de ces mesures qui étouffent son économie, tandis que les grandes puissances exigent que Téhéran limite ses capacités nucléaires de façon à rendre l'option militaire virtuellement impossible.

«Écarts à combler»

Après des années d'invectives, les deux parties négocient depuis près d'un an, mais les obstacles restent nombreux.

«Il reste des écarts à combler, et nous ne savons pas encore si nous y parviendrons», a confié lundi soir une source américaine.

Les négociateurs doivent d'abord trancher la question des capacités d'enrichissement d'uranium que l'Iran pourrait conserver après un accord. Téhéran exploite des milliers de centrifugeuses susceptibles de fournir la matière première pour des bombes atomiques.

Le réacteur à eau lourde d'Arak, un équipement qui pourrait produire du plutonium - l'autre voie d'accès à l'arme nucléaire - est l'une des autres questions débattues, tout comme le régime d'inspections de l'ONU auquel l'Iran serait soumis après un accord, ou encore le rythme de la levée des sanctions.

Sur ce dernier point, une source occidentale reproche à l'Iran de «vouloir tout, tout de suite, ce qui n'est pas du tout réaliste».

Un éventuel accord ouvrirait la voie à une normalisation des relations entre l'Iran et l'Occident, et à de possibles coopérations, notamment avec Washington, face aux crises en Irak et en Syrie.

Ajournement risqué

Il réduirait aussi le risque de prolifération nucléaire au Proche-Orient. Enfin, il permettrait à l'Iran de relancer son économie et de reprendre toute sa place parmi les principaux producteurs mondiaux de pétrole.

L'enjeu est suffisamment important pour que Washington et Moscou aient mis de côté leurs divergences sur le conflit ukrainien.

Mercredi 13 novembre, John Kerry et Sergueï Lavrov, son homologue russe, ont ainsi appelé ensemble à «trouver un accord global le plus rapidement possible» sur le nucléaire iranien.

Dimanche, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a toutefois mis en garde la communauté internationale contre toute naïveté face à Téhéran, dont il a dénoncé la «ruse».

Mais nombre d'analystes ne croient guère à un accord définitif le 24. Selon eux, il est plus probable que l'Iran et le «5+1» concluent un «accord intérimaire» permettant de prolonger la discussion, comme cela a déjà été fait en juillet.

La formule serait toutefois très risquée.

Pour l'analyste Kelsey Davenport de l'institut Arms Control Association, «il serait insensé (...) de gaspiller cette chance historique» de parvenir à un accord, «vu tout le capital politique investi de part et d'autre» dans la négociation.

M. Hammond a toutefois exclu mardi la signature d'un accord au rabais. «Je pense qu'on peut conclure un accord. Mais nous ne signerons pas un mauvais accord», a-t-il prévenu.