Quand Donald Trump a devancé Hillary Clinton d'un point en Floride, peu avant 21 h, hier soir, des cris de joie se sont répandus dans le hall de l'hôtel Hilton, à New York, où les partisans du candidat républicain étaient réunis pour célébrer ce qui allait devenir leur victoire.

Une nouvelle vague d'allégresse a éclaté à 22 h 27, quand les médias ont annoncé la victoire du candidat républicain en Ohio. Dix minutes plus tard, c'était le tour de la Géorgie. À 22 h 46, c'est la Caroline du Nord qui a basculé en faveur de Trump. Puis, vers 23 h, la Floride.

«Ça se produit! Nous sommes en train de gagner!», s'est exclamé, encore incrédule, un conseiller financier qui n'a pas voulu donner son identité, de crainte de perdre des clients opposés à Donald Trump.

«Je suis tellement fier d'être américain. Le peuple a parlé. Donald Trump deviendra un grand président, vous allez voir», a renchéri Allan Sands, producteur de films dans la cinquantaine établi à New York.

En début de soirée, les partisans républicains avaient beau assurer que leur candidat voguait vers la victoire, les références fréquentes à de la présumée fraude électorale laissaient entendre qu'ils se réservaient une porte de sortie en cas de défaite. Mais à mesure que le temps passait et que des États cruciaux tombaient du côté de Trump, les références à la fraude électorale ont cédé la place à l'exultation.

«Ce que vous avez entendu aujourd'hui, c'est le coeur de l'Amérique, des gens qui en ont assez du statu quo, qui veulent amener de nouveaux visages à Washington», a dit David Boston, investisseur immobilier de Dallas, au Texas. L'homme de 60 ans voyait dans la victoire d'hier le résultat de ses prières, « qui ont ouvert les portes permettant à Dieu d'agir».

«Si jamais Hillary Clinton est élue, la première chose que je ferai, c'est acheter un fusil», m'avait dit en début de soirée Lucia London, une vendeuse d'aquariums de Springfield, au Massachusetts. L'issue du vote lui permettra d'éviter cette dépense. À mesure que Donald Trump récoltait État après État, cette quinquagénaire qui se décrit comme farouchement pro-vie imaginait déjà ce que le futur président ferait dès son entrée en poste.

Les invités venus soutenir Donald Trump affichaient des sensibilités politiques très diversifiées. Leur point en commun : le sentiment que leurs voix ont été ignorées par les élites politiques qui dirigent le pays.

Croisé dans le hall du Hilton, le sénateur de l'Alabama Jeff Sessions a expliqué ainsi la victoire inattendue de Donald Trump : « Ce que nous voyons, c'est un mouvement majeur au sein de notre pays, un appel du peuple qui ne se sent pas écouté par des politiciens qui croient tout savoir, mais qui ne savent pas à quel point les revenus des familles ont baissé, et la frustration qui en résulte. »

« Washington nous a volé le pays », s'est écrié un autre partisan de Trump, Walter Dunlop.

Comme d'autres électeurs de Trump, il s'attend à ce que celui-ci « redonne » le pays au peuple. Comment ? Quels sont les gestes les plus attendus de la part du prochain locataire de la Maison-Blanche ?

Contrôle des frontières, emplois, sécurité, retour au statut de grande puissance - telles sont les attentes les plus fréquemment citées hier parmi les militants de Donald Trump. Certains d'entre eux se montraient critiques devant la vulgarité dont il a fait preuve durant la campagne électorale. 

« Mais si Donald Trump n'avait pas été Donald Trump, il n'aurait pas remporté la primaire républicaine, et il n'aurait pas pu non plus gagner aujourd'hui », m'a dit le conseiller financier qui a choisi de rester anonyme. Même si certaines prises de position du candidat républicain l'inquiètent, il n'en reste pas moins convaincu que les États-Unis sont envahis par des immigrants illégaux venus d'Amérique centrale qui profitent du filet social américain et qui devraient être massivement expulsés.

À 10 minutes à pied du Hilton de l'avenue des Amériques, et à trois coins de rue de la Trump Tower, ce sont des électeurs logés à l'autre extrémité du spectre politique que j'ai croisés hier après-midi, à la sortie d'un bureau de vote de la 58e Rue. Tous venaient de voter pour Hillary Clinton. Tous exprimaient dédain et mépris pour le magnat de l'immobilier qui a ravi l'investiture républicaine. « Donald Trump est un menteur, il est malhonnête, il ne paie pas ses employés », a énuméré John Dagney, un retraité de Manhattan.

« Donald Trump a permis aux gens qui ressentent de la haine de l'exprimer ouvertement », a déploré un publicitaire qui s'est présenté par son seul prénom : Paul.

« L'élection de Donald Trump est tout simplement inconcevable », a assuré le documentariste new-yorkais Mark Burns. L'inconcevable est pourtant devenu vrai, hier.