Barack Obama n'est plus candidat à la Maison-Blanche. Parce que la Constitution lui interdit de briguer un troisième mandat et parce que Michelle «le tuerait» s'il s'y risquait. Mais il fait, chaque jour un peu plus, entendre sa voix dans la campagne.

Car le président des États-Unis sait que l'issue de la féroce bataille politique en cours aura un impact réel sur son bilan, et donc sur sa place dans les livres d'Histoire.

Si un républicain l'emportait le 8 novembre, il pourrait détricoter tout ou une partie des dossiers emblématiques des huit années écoulées: Obamacare, climat, accord sur le nucléaire iranien ou encore main tendue à Cuba.

Le temps où il se tenait, depuis Pennsylvania Avenue, à l'écart du brouhaha électoral est révolu: l'irruption spectaculaire du républicain Donald Trump sur le devant de la scène l'a poussé à sortir de sa réserve. Désormais, il ne rate pas une occasion de dénoncer les «amalgames» et «approximations» de l'exubérant milliardaire qu'il évite de désigner nommément. En fin politique, il aiguise ses flèches, choisit ses mots avec soin.

À l'issue d'un sommet international sur la sûreté nucléaire, il y a une semaine, il ironisait sur un homme «qui ne connaît pas grand-chose à la politique étrangère ou à la politique nucléaire, ou à la péninsule coréenne... ou au monde en général». Lundi, il dénonçait des propos ayant un impact néfaste sur la place des États-Unis dans le monde: «J'ai en permanence des questions de dirigeants étrangers concernant certaines des propositions les plus farfelues qui sont avancées».

Dans son propre camp, il n'a pas pris publiquement position, mais cache à peine sa préférence pour Hillary Clinton, par rapport à Bernie Sanders. Fin janvier, il louait «l'expérience extraordinaire» de son ancienne rivale, jugeant au passage infondées les comparaisons entre la position dans laquelle se trouve le sénateur du Vermont et celle dans laquelle il était lui-même en 2008.

L'ancienne Première dame, ancienne sénatrice et ancienne secrétaire d'État a un CV à faire pâlir tous ses rivaux. Mais elle a un terrible talon d'Achille: elle ne soulève pas les foules. Et suscite même une certaine défiance.

Armé d'une popularité en hausse sur la fin de mandat et fort de ses victoires de 2008 et 2012, Obama pourrait venir à sa rescousse. Il peut jouer un rôle clé pour «mobiliser la coalition qui l'a porté au pouvoir», souligne Julian Zelizer, professeur de sciences politiques à l'Université de Princeton, rappelant ses principales composantes: les femmes, les jeunes, les Noirs et les Hispaniques.

Impatient

Quand rentrera-t-il véritablement en campagne?

La Maison-Blanche se refuse à fixer un calendrier. Mais le président démocrate donne parfois l'impression de trépigner, comme s'il espérait que la primaire de son camp se termine au plus vite, sans attendre la convention de fin juillet à Philadelphie, pour pouvoir se jeter pleinement dans la bataille.

Impatient, Obama? «Non, il a largement de quoi faire», répond son porte-parole Josh Earnest. «Mais viendra l'heure où il défendra avec force le candidat qui, selon lui, devrait lui succéder dans le Bureau ovale. Et à ce moment-là, je suis convaincu qu'il le fera avec un réel enthousiasme.»

Une chose semble certaine: il devrait être beaucoup plus investi que ses deux prédécesseurs sur la même période.

En 2008, à l'issue de deux mandats marqués par le fiasco de la guerre en Irak, George W. Bush était plus bas dans les sondages et le candidat républicain John McCain avait gardé ses distances avec lui.

Huit ans plus tôt, Bill Clinton avait lui, au contraire, quitté la Maison-Blanche avec une cote de popularité très flatteuse, mais le vice-président Al Gore, candidat à sa succession, avait choisi de limiter son rôle dans la campagne par crainte que l'affaire Monica Lewinsky, et la procédure de destitution qui y était liée, ne pèse trop lourd dans la campagne.

«Dans le cas Clinton-Gore, ce dernier a payé le prix fort pour ne pas s'être appuyé assez sur le président. C'est un enseignement à garder en tête pour Hillary Clinton», juge Julian Zelizer.

«Le rôle de M. Obama dans la campagne sera probablement plus proche de celui de Ronald Reagan (à qui a succédé un autre républicain, George Bush père, NDLR), que de celui de Bush ou Clinton», après qui la présidence a changé de camp, souligne de son côté Brendan Doherty, qui enseigne à la United States Naval Academy, à Annapolis, dans le Maryland. Avec, pour le président en fin de mandat, deux tâches principales: dynamiser la base électorale et, loin du débat d'idées... lever des fonds pour le parti.