Des avions de combat américains ont mené vendredi un raid contre un camp d'entraînement du groupe État islamique (EI) en Libye, qui a fait plus de 40 morts dont «probablement» un chef de l'organisation djihadiste.

C'est la deuxième fois en trois mois que les États-Unis mènent des frappes ciblées contre l'EI en Libye, pays plongé dans le chaos depuis 2011.

Le cadre et les combattants de l'EI ciblés préparaient des attaques contre des intérêts occidentaux, a indiqué vendredi le Pentagone.

«Nous avons mené cette action contre (Noureddine Chouchane) et le camp d'entraînement après avoir déterminé qu'à la fois lui-même et les combattants de l'EI présents en ces lieux préparaient des attaques contre des intérêts américains et ceux d'autres pays occidentaux dans la région», a indiqué Peter Cook, porte-parole du Pentagone, sans autre détail.

Le 13 novembre, un bombardement mené par des F-15 avait tué l'Irakien Abou Nabil, présenté alors par Washington comme «le plus haut responsable de l'EI en Libye».

Le raid aérien «très précis» a visé vendredi à l'aube un bâtiment de deux étages abritant des djihadistes à Sabratha, à 70 km à l'ouest de Tripoli, ont indiqué les responsables libyens.

Quarante-et-une personnes ont été tuées et six autres blessées, selon un communiqué du conseil municipal de Sabratha. La majorité d'entre elles sont des Tunisiens, nombreux à avoir rejoint les rangs de l'EI en Libye voisine.

À Washington, un responsable militaire américain a affirmé que le raid avait «probablement provoqué la mort du cadre opérationnel de l'EI Noureddine Chouchane».

Ce Tunisien de 36 ans est soupçonné d'être derrière les deux attentats ayant meurtri la Tunisie l'an dernier : contre le musée du Bardo à Tunis en mars (22 morts) et contre un hôtel près de Sousse en juin (38 morts). Il a été présenté comme un «élément terroriste dangereux» par Tunis.

Sa mort représenterait, avec la destruction du camp, un coup dur pour l'EI en Libye, a affirmé Peter Cook, porte-parole du Pentagone. «Nous estimons que cela aura un impact immédiat sur les capacités de l'EI à ancrer ses activités en Libye, pour recruter des combattants, établir des bases et potentiellement planifier des attentats à l'extérieur du pays contre des intérêts américains dans la région», a-t-il expliqué.

PHOTO AUTORITÉS TUNISIENNES/BBC

Noureddine Chouchane

«Les yeux bandés»

La maison visée «était louée par des étrangers, dont des Tunisiens probablement membres de DAECH (acronyme en arabe de l'EI). Des armes, dont des fusils et des roquettes RPG, ont été trouvées sous les décombres» de la maison qui a été entièrement détruite, a précisé la municipalité.

Selon le chef du conseil municipal, Hussein al-Dawadi, un djihadiste blessé a raconté «être venu (dans le camp) avec d'autres personnes pour s'entraîner au combat» et qu'elles avaient eu «les yeux bandés» en ayant été emmenés vers la maison.

Des photos diffusées par le conseil municipal de Sabratha et présentées comme celles de la maison visée montrent des décombres avec des matelas et des couvertures éparpillés, un morceau de métal avec l'inscription «État islamique» et des voitures endommagées. D'autres photos montrent des blessés à l'hôpital.

Les autorités tunisiennes avaient affirmé que les djihadistes auteurs d'attaques en Tunisie, pays voisin de la Libye, s'étaient entraînés dans des camps à Sabratha.

C'est la première fois qu'un tel raid aérien vise la ville de Sabratha contrôlée par la coalition des milices de Fajr Libya qui s'est emparée en août 2014 de Tripoli et de plusieurs autres régions, poussant les autorités reconnues internationalement à s'exiler dans l'est.

PHOTO CONSEIL MUNICIPAL DE SABRATHA

Agir «unilatéralement»

Outre le raid mené en novembre contre l'EI, les États-Unis ont pris pour cible d'autres groupes djihadistes en Libye. En juin 2015, une frappe avait visé le chef djihadiste Mokhtar Belmokhtar, lié à Al-Qaïda, mais son groupe avait démenti sa mort.

Le secrétaire américain à la Défense Ash Carter a affirmé la semaine dernière à la BBC que son pays continuerait à cibler les djihadistes en Libye, même «unilatéralement». Les États-Unis dirigent une coalition internationale qui frappe quasi quotidiennement l'EI en Irak et en Syrie depuis 2014.

Responsable d'attentats sanglants et d'exactions, l'EI est implanté en Libye depuis 2014, profitant du chaos dans lequel est plongé le pays depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Il contrôle la ville de Syrte, à 450 km à l'est de Tripoli et ses environs, et le nombre de ses combattants en Libye a doublé à environ 5000 selon Washington.

Les États-Unis et d'autres pays occidentaux s'alarment du fait que la Libye est en train de devenir un nouveau pôle d'attraction pour les djihadistes. Mais ils ne veulent toutefois pas évoquer maintenant la possibilité d'une intervention militaire et appuient les difficiles efforts de l'ONU pour une solution politique au conflit.

Depuis 2011, les crises se succèdent dans le pays en proie au vide du pouvoir et à l'insécurité. Son économie, basée sur le pétrole, est paralysée par les conflits entre les deux gouvernements rivaux défendus par des milices.