La coalition militaire internationale contre l'État islamique en Syrie et en Irak veut profiter du «recul» des djihadistes pour supprimer «ses centres de pouvoir» à Raqqa et à Mossoul, ont annoncé mercredi Paris et Washington, exhortant Moscou à se joindre à cet objectif.

Accusée par les Occidentaux d'être en Syrie «sur la mauvaise voie stratégique», la Russie - grande absente du «conseil de guerre» qui a réuni à Paris sept pays de la coalition - a assuré que les négociations sur la paix commenceraient «dans les prochains jours», se disant «prête» à une coordination humanitaire «plus étroite», à l'occasion d'une rencontre bilatérale en Suisse avec les États-Unis.

À l'issue de leur réunion, les ministres de la Défense des sept pays les plus engagés dans la campagne aérienne de la coalition et la formation des forces irakiennes - États-Unis, France, Australie, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie et Pays-Bas - se sont félicités d'avoir fait reculer l'EI sur le terrain et altéré ses ressources.

«C'est le moment d'accroître nos efforts collectifs», a plaidé le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian.

Trois objectifs-clés ont été détaillés par le secrétaire américain à la Défense Ashton Carter: «détruire le cancer de l'EI en supprimant ses centres de pouvoir à Raqqa et Mossoul, lutter contre les métastases de cette tumeur dans le monde, protéger les populations chez nous».

Dans cette perspective, Paris et Washington ont de nouveau appelé Moscou à «concentrer» ses bombardements contre l'EI et à «cesser de frapper les groupes de l'opposition armée» en Syrie.

L'armée russe a annoncé mercredi avoir frappé 57 «sites terroristes» en Syrie en 24 heures, dont des cibles de l'EI dans la province de Deir Ezzor, sans précisions sur les autres cibles.

Moscou sur le banc des accusés

Très impliquée militairement en Syrie aux côtés du régime de Damas, la Russie est accusée par les Occidentaux de frapper la rébellion susceptible de participer à un règlement politique de la crise.

«Les Russes sont sur la mauvaise voie stratégique» en Syrie, a dénoncé Ashton Carter, ajoutant que tant que cela n'aura pas changé, il n'y aura «pas une base commune suffisante pour une coopération».

Le souhait fin 2015 de la France d'une «grande et unique coalition» contre l'EI est resté lettre morte, même si Paris et Moscou ont renoué les fils d'un dialogue militaire.

Prévus pour à partir du 25 janvier à Genève, les pourparlers en vue d'un règlement politique s'annoncent ardus en raison de désaccords sur la composition de la délégation de l'opposition. La plus importante coalition de l'opposition syrienne a nommé mercredi un chef rebelle islamiste soutenu par Riyad négociateur en chef à ces pourparlers.

À l'issue d'une rencontre à Zurich (Suisse) avec son homologue américain John Kerry, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a proclamé que le «processus diplomatique» allait «bientôt commencer». Il a aussi affirmé que la Russie était «prête» à une coordination «plus étroite» avec la coalition internationale dirigée par les États-Unis afin d'assurer la sécurité des livraisons d'aide humanitaire en Syrie.

Les États-Unis ont invité à Bruxelles le 11 février les ministres de la Défense de 26 pays de la coalition luttant contre l'EI. Le ministre iranien des Affaires étrangères Javad Zarif, présent au Forum économique de Davos (Suisse), a cependant fait valoir mercredi qu'il n'y avait pas de «solution militaire à la crise syrienne».

Les pays arabes appelés à faire plus

Entamée à l'été 2014, la campagne aérienne a entraîné de premiers reculs de l'EI à Kobané (Syrie), Sinjar et dernièrement Ramadi (Irak).

L'organisation continue toutefois de recruter des combattants étrangers - à raison d'une centaine par semaine, selon Paris - et a déclenché samedi une offensive sur la ville de Deir Ezzor, encore tenue par Damas.

Depuis, les djihadistes ont libéré 270 des 400 civils qu'ils avaient enlevés au début de l'assaut, après les avoir interrogés sur leurs éventuels liens avec le régime, selon Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Les frappes de la coalition se sont intensifiées depuis les attentats de Paris en novembre, notamment sur les sites de production de pétrole, dont le trafic était l'une des principales sources de revenus de l'EI.

Et des «dizaines de millions» de dollars en cash de l'État islamique sont partis en fumée ces derniers mois dans neuf bombardements de la coalition, a à cet égard affirmé mercredi le Pentagone.

Les États-Unis veulent inciter les pays de la coalition, y compris ceux du Golfe, à faire plus au Levant. Selon M. Carter, la coalition a besoin de moyens de reconnaissance aérienne, de forces spéciales, de moyens de transport et de logistique.

Il faut en outre fournir à l'armée irakienne des «centaines» de formateurs militaires occidentaux avant de tenter de reprendre la ville de Mossoul à l'État islamique, a estimé le colonel Steve Warren, porte-parole de la coalition internationale.

La Libye, où l'EI profite depuis des mois du chaos politique pour monter en puissance, a aussi fait partie des discussions à Paris.

Mardi, un gouvernement d'union nationale a été constitué dans ce pays divisé et les Occidentaux qui se sont félicités de cette avancée politique pourraient s'appuyer à terme sur sa légitimité pour étendre leurs opérations militaires à l'EI en Libye.

PHOTO JACKY NAEGELEN, REUTERS

Les ministres de la Défense des sept pays les plus engagés dans la campagne aérienne de la coalition et dans la formation des forces irakiennes - États-Unis, France, Australie, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie et Pays-Bas - se sont retrouvés au ministère français de la Défense.