Le gouvernement du Congo a rejeté hier la demande de négociations directes du général rebelle Laurent Nkunda, et demandé à la Mission de l'ONU (MONUC) de déployer des moyens «plus musclés» contre son groupe armé pro-rwandais qui a exacerbé la catastrophe humanitaire dans l'est du pays.

Plus d'un million de personnes sont déplacées dans le Nord-Kivu, où la capitale, Goma, est menacée par les hommes de Nkunda.La première aide d'urgence depuis le 27 octobre est arrivée hier à Rutshuru, d'où la poussée rebelle a chassé 100 000 civils, dont 60% d'enfants, selon le Fonds de l'ONU pour l'enfance (UNICEF).

Les responsables du convoi ont découvert des camps, récemment peuplés de déplacés, vidés et rasés. Ils ont rapporté des cas de choléra à Rutshuru, à 75 km au nord de Goma.

«Désastre humanitaire»

«Il n'y a pas de petits et de grands groupes armés. Le fait de créer un désastre humanitaire ne donne pas de droits spéciaux», a déclaré Lambert Mende, porte-parole du gouvernement. Kinshasa veut dialoguer avec tous les groupes armés, pas seulement avec le CNDP (de Nkunda), a-t-il précisé.

Le CNDP a vite accusé Kinshasa de «lancer la guerre» contre lui. Dimanche, Nkunda, un Tutsi congolais appuyé par le Rwanda, avait menacé de chasser le gouvernement de Kinshasa s'il refusait des négociations directes.

Le ministre des Affaires étrangères, Alexis Tambwe Muamba, a appelé l'ONU à «redéfinir» le mandat de la MONUC pour lui permettre de «mener des opérations plus musclées» contre la rébellion.

Position soutenue par la France, qui préside l'Union européenne (UE). La MONUC devrait avoir «des soldats différents, des règles d'engagement et une volonté de commandement différentes», a dit le ministre Bernard Kouchner.

Son homologue britannique David Miliband, qui l'a accompagné en RDC et au Rwanda, a rendu compte hier de la mission à leurs collègues européens.

«Personne n'exclut un rôle militaire» pour l'UE dans l'est du Congo, a-t-il dit. Mais il veut attendre le rapport de l'envoyé de l'ONU, Alain Le Roy. «Il vaut mieux renforcer la MONUC, plutôt que de créer une mission séparée», a-t-il dit.

Couvre-feu et émissaires

Les autorités du Nord-Kivu ont décrété un couvre-feu à Goma. Les hommes de Nkunda sont positionnés à une quinzaine de km de la ville. Alain Le Roy, chargé des opérations de maintien de la paix à l'ONU, a prévenu que la MONUC avait le mandat «d'interdire à des forces armées d'entrer» dans la ville.

Le général sénégalais Babacar Gaye à repris hier la tête des 17 000 Casques bleus de la MONUC, après la démission de son successeur espagnol. Ban Ki-moon, secrétaire général de l'ONU, a aussi nommé l'ancien président nigérian Olusegun Obansajo émissaire spécial pour tenter de résoudre la crise.

La Commission de l'Union africaine a dépêché à Kinshasa son propre émissaire. Il s'agit d'Ibrahima Fall, ancien ministre sénégalais des Affaires étrangères.

Le chef rebelle perd des appuis»Le pillage des ressources reste le moteur du conflit dans l'est du Congo», selon l'ONG britannique Global Witness. Ce rappel des études d'experts de l'ONU sur le lien entre guerre et pillage au Congo coïncide avec des reportages à Londres soulignant l'importance du coltan dans les téléphones portables. «On est tous impliqués dans cette guerre», écrit Johan Hari, du quotidien The Independent. Si bien qu'un groupe de parlementaires britanniques (APPG) accuse d'«agression» le CNDP de Laurent Nkunda et demande que ce groupe armé tutsi, et les autres groupes armés, dont le FDLR hutu, soient intégrés pour de bon au processus de paix au Congo.

«En termes d'impact sur les civils, ce conflit est pire que celui de l'Afghanistan ou du Darfour», affirme l'APPG. À Montréal, le Forum Baraza La Kivu, un groupe de Canadiens originaires des Kivu appelle Kinshasa à lancer une guerre totale contre la rébellion au nom des «6 à 7 millions de victimes congolaises de cette occupation».