Le premier ministre tunisien Hamadi Jebali a confirmé jeudi qu'il démissionnerait en cas de rejet samedi de son gouvernement apolitique visant à sortir de la plus grave crise dans le pays depuis la révolution de 2011.    

«Samedi, j'annoncerai la composition du gouvernement et si elle est rejetée, je présenterai ma démission au président» Moncef Marzouki, a-t-il déclaré à la presse.

M. Jebali a indiqué qu'il rencontrerait vendredi tous les partis une dernière fois, affirmant refuser tout «marchandage» et vouloir «mener cette initiative jusqu'au bout». Il a répété que tous les ministres seront indépendants des partis et s'engageront à ne pas être candidats aux futures élections.

Les islamistes d'Ennahda, dont M. Jebali est le numéro 2, ont eux prévu samedi une grande manifestation à Tunis pour défendre leur «légitimité» à diriger la Tunisie, alors que le pays est empêtré dans son plus grave conflit politique depuis la révolution de janvier 2011.

M. Jebali tente depuis la vague de violences qui a suivi l'assassinat retentissant de l'opposant Chokri Belaïd le 6 février de former un cabinet de technocrates malgré l'opposition de son parti et du Congrès pour la République (CPR), formation laïque de M. Marzouki.

Il a par contre reçu le soutien de l'essentiel de l'opposition laïque, du puissant syndicat UGTT et du patronat.

L'Assemblée nationale constituante (ANC), qui débattait jeudi de cette profonde crise, a été le théâtre de vifs échanges entre partisans et opposants de l'initiative de M. Jebali.

«Un homme déterminé»

Sahbi Attig, chef du bloc parlementaire islamiste, a ainsi estimé que le 6 février avait été marqué par «deux catastrophes», l'assassinat et l'initiative de M. Jebali.

De son côté, Béji Caïd Essebsi, un ex-premier ministre post-révolutionnaire et dirigeant d'un parti d'opposition, a dit à l'AFP, après une rencontre avec Hamadi Jebali, avoir vu un «homme responsable et déterminé à sortir le pays de sa crise».

«Nous espérons la réussite de l'expérience, car il n'y a pas d'alternative», a-t-il dit.

Mais Ennahda, le CPR, le mouvement Wafa (laïque) et le bloc parlementaire Liberté et dignité (islamistes indépendants) ont annoncé vouloir un gouvernement alliant politiques et technocrates.

Si ces groupes votent dans la discipline, ils totaliseraient 125 élus sur 217 alors que M. Jebali peut être censuré sur son projet avec 109 votes négatifs. Mais le premier ministre peut compter, selon la presse locale, sur des élus d'Ennahda.

Le président Marzouki est quant à lui resté silencieux sur la proposition de M. Jebali qu'il avait été pourtant le premier à évoquer après des violences dans le centre du pays fin novembre.

Outre cette crise, la rédaction de la Constitution est dans l'impasse, faute de compromis sur la nature du futur régime. M. Jebali a souligné que sa démarche visait aussi à accélérer ce travail pour organiser des élections au plus vite.

Les conflits sociaux souvent violents se multiplient aussi sur fond de misère et chômage, à l'origine de la révolution qui a emporté l'ancien président Zine El Abidine Ben Ali. Sans oublier l'essor d'une mouvance salafiste djihadiste qui déstabilise régulièrement le pays par des attaques.

Quelques dizaines de militants du parti islamiste Hizb Ettahrir ont manifesté jeudi devant l'ambassade de France à Tunis pour dénoncer notamment les propos du ministre français de l'Intérieur Manuel Valls qui avait évoqué un «fascisme islamiste» après l'assassinat de Belaïd.

Plus d'une semaine après sa mort, aucune avancée dans l'enquête n'a été annoncée, alors que les proches de la victime, un anti-islamiste virulent, accusent Ennahda d'être responsable de sa mort.