Les évêques qui se sont rendus coupables d'avoir protégé des prêtres pédophiles pourront être jugés par une nouvelle instance judiciaire au Vatican, une mesure réclamée de longue date par les victimes, mais considérée encore comme insuffisante par certaines associations.

Les évêques pourront être jugés en cas de «manquement à leur devoir professionnel», en vertu du droit canon, par cette «nouvelle instance judiciaire à l'intérieur de la Congrégation pour la doctrine de la foi» (CDF), voulue par le pape François.

La CDF, ancien Saint-Office, est chargée au Vatican de veiller au respect du droit canon dans l'Église entière.

François a prévu une période de cinq ans pour évaluer «l'efficacité» du nouveau dispositif.

La «responsabilité» des évêques

Des experts et des associations d'anciennes victimes de prêtres pédophiles réclamaient depuis longtemps que le fait pour un évêque d'avoir couvert des abus sexuels sur mineurs commis par des prêtres de son diocèse soit une faute reconnue, jugée et punie par le Vatican.

Dix-sept de ces experts du monde entier siègent aujourd'hui dans la commission pontificale pour la protection des mineurs nommée par François. Plusieurs de ces experts, dont des anciennes victimes, avaient demandé que la «responsabilité» des évêques soit prise en compte sérieusement et que l'impunité cesse pour leurs négligences et leurs complicités.

Depuis janvier, plusieurs membres de la Commission ont d'ailleurs élevé la voix dans ce sens, à l'occasion de deux affaires délicates touchant des prélats.

L'une a fait beaucoup de bruit, car elle concerne le cardinal australien George Pell, tout-puissant «ministre» de l'Economie du pape. Ce dernier est accusé par une ancienne victime d'avoir refusé de prendre au sérieux sa plainte contre un prêtre.

Le cardinal nie les accusations en bloc, et a menacé d'en poursuivre l'auteur, l'expert britannique Peter Saunders, lui-même ancienne victime.

L'autre affaire est la nomination d'un évêque chilien, Juan de La Cruz Barros, par François, alors qu'il est soupçonné d'avoir protégé dans le passé un vieux prêtre accusé de pédophilie.

«Quand on en vient à des sujets comme la protection des enfants, ce n'est pas parce qu'une chose a eu lieu il y a longtemps que vous n'en êtes plus responsable maintenant», a estimé l'archevêque d'Armagh Eamon Martin, chef de l'Eglise irlandaise secouée par plusieurs scandales de pédophilie, à propos de l'effet rétroactif de la mesure.

L'association américaine d'anciennes victimes SNAP, très critique envers le Vatican, a jugé que le dispositif du Vatican n'allait pas assez loin.

Elle regrette surtout le fait que le jugement reste interne à l'Église et confidentiel, les affaires des prêtres pédophiles étant jugées en dernière instance par la Congrégation pour la doctrine de la foi.

«Durant ces décennies de crise, les commissions, les procédures, les protocoles et les promesses ont abondé. Mais ils ont été dépourvus de signification. Aussi longtemps que des prêtres seront chargés de s'occuper des autres prêtres qui ont commis ou couvert des crimes sexuels, peu de choses changeront», a ainsi réagi SNAP.

Double scandale

Condamné avec force par le Comité pour les droits de l'enfant de l'ONU, le scandale des prêtres pédophiles a contribué à discréditer l'Église catholique pour des délits remontant principalement aux années 60-70.

Le scandale était double: des dizaines de milliers de mineur(e)s ont été agressés par des religieux, prêtres et religieuses. Mais des dizaines d'évêques ont aussi refusé d'écouter les plaintes des victimes, leur demandant parfois le silence, protégeant les prêtres accusés ou soupçonnés, parfois en les mutant dans des postes où ils pouvaient continuer leurs forfaits.

Le Vatican a ensuite été accusé d'avoir protégé certains de ces évêques pour éviter les scandales.

Le pape Benoît XVI avait demandé en 2011 à toutes les conférences épiscopales d'adopter des dispositifs pour mettre fin à ces scandales et collaborer avec les pouvoirs judiciaires civils.

Mais si certains épiscopats occidentaux ont adopté des régimes sévères, d'autres ont du mal à se mettre en règle. Dans certaines zones, en Afrique et en Asie notamment, ces sujets sont largement tabous et les justices civiles ne sont pas toujours fiables.