Le pape François a décidé jeudi d'instaurer une commission d'experts contre la pédophilie pour améliorer la protection des enfants, un pas dans la lutte contre ce fléau déjà jugé dérisoire par une association de victimes.

Cette commission est le premier pas concret qu'adopte sur ce dossier sensible - des dizaines de milliers de mineurs victimes de sévices sexuels pendant des décennies - le nouveau pape argentin qui avait jusqu'alors émis des condamnations verbales. Les associations d'anciennes victimes avaient déjà exprimé leur déception que François n'aille pas au-delà des condamnations de son prédécesseur Benoît XVI.

Selon le cardinal américain, Mgr Sean O'Malley, archevêque de Boston, membre du «G8» des cardinaux, François va instaurer très rapidement cette nouvelle commission, à la suite de plusieurs autres déjà créées sur la banque du pape et l'administration du Vatican.

À l'issue du «G8», le cardinal capucin O'Malley, réputé dans l'Église américaine pour son action énergique contre la pédophilie à Boston au début des années 2000, a annoncé qu'elle serait constituée d'une douzaine d'experts, laïcs et religieux.

«Cette commission devra formuler des suggestions pour de nouvelles initiatives, en collaboration avec les évêques et les conférences épiscopales», a-t-il dit.

Création de protocoles pour la sécurité de l'environnement des jeunes, codes de conduite professionnelle, mise au point d'attestations d'aptitude au sacerdoce, évaluations psychiatriques, connaissance des lois civiles, soutien aux victimes et à leurs familles : les sujets sont nombreux.

Elle proposera des noms de laïcs, religieux et religieuses, prêtres compétents sur la sécurité des enfants, les relations avec les victimes, la santé mentale ou encore l'application de la loi, pour mettre en oeuvre ces directives.

«Jusqu'alors, l'accent a été mis sur les procédures juridiques et moins sur la réponse pastorale», a expliqué le cardinal américain.

Cette commission est dans la droite ligne d'un symposium organisé par l'Université jésuite grégorienne de Rome, qui avait réuni des évêques du monde entier en janvier 2012 pour les sensibiliser au problème. La compréhension des droits de l'enfant était apparue en retard en Afrique, en Asie et en Amérique latine par rapport à l'Occident.

Le Vatican maintient à tout prix la confidentialité de son enquête ecclésiastique, un principe très ancré dans l'Église et incompris par les associations.

Il a ainsi refusé au Comité pour les droits de l'enfant de l'ONU de répondre à un questionnaire envoyé en juillet concernant les dossiers de pédophilie sur lesquels la Congrégation vaticane pour la doctrine de la foi (CDF, ancien Saint-Office) enquête.

«Il n'y a aucun doute que la compétence (pour traiter les sévices sexuels) reste celle des évêques et des conférences épiscopales», et «la responsabilité de la CDF ne changera pas», a insisté le cardinal américain.

Le Vatican fait valoir que cette vaste enquête ecclésiastique doit être tenue secrète pour protéger les témoins et victimes, et qu'il n'est pas compétent pour la collaboration entre Églises et justices nationales, même s'il encourage fortement cette dernière.

Cette réponse a suscité de vives critiques alors que ce comité de l'ONU doit se pencher le 16 janvier à Genève sur la position du Saint-Siège.

David Clohessy, directeur de SNAP (Survivors Network of those Abused by Priests), la plus radicale des associations d'anciennes victimes, a jugé «sans signification aucune la nouvelle commission». «C'est comme offrir un pansement minuscule à un malade cancéreux en phase terminale».

«Seule une action décisive peut aider, pas de nouvelles études, commissions et promesses. Aucune institution ne peut se corriger elle-même et surtout pas une ancienne monarchie secrète, rigide, exclusivement masculine», a réagi SNAP.

«Comme ses prédécesseurs, ce pape sait parfaitement ce qu'il faudrait faire. Comme eux, il manque de la force de caractère pour le faire», estime M. Clohessy.

D'autres réactions, notamment sur les réseaux sociaux, étaient plus positives. La revue catholique Famiglia Cristiana y voit l'annonce d'un «tour de vis» par le nouveau pape.